Félix Roy (1862-1930)
1905
Négatif gélatino-argentique sur plaque de verre
H. 9 ; l. 12 cm
Inv. 2019.0.761
Don Roy, 1938
Félix Roy, installé au 20 rue Saint-Nicolas à Nancy en tant que photographe professionnel, est également membre de deux sociétés de photographes amateurs, le Photo Club de Nancy et la Société lorraine de photographie. Ces sociétés, très actives au tournant du XXe siècle, sont de véritables lieux d’échanges sur les pratiques et l’évolution des technologies nouvelles. Un de leurs préceptes est fondamental : pour se forger l’œil, il est nécessaire de s’entraîner à la prise de vue de plein air lors d’excursions organisées hors de Nancy.
Alors, Félix Roy, armé de son appareil photographique portatif, sillonne la Lorraine pour réaliser un nombre très important de photographies de paysages, scènes de genre et vues de villages. Accompagné bien souvent de son épouse et d’amis, ses promenades allient loisir et travail : une fois rentré à l’atelier, une partie de ces vues sont converties en plaques de verre positives destinées à la projection. Ainsi s’est-il fait une spécialité dans la vente de vues de la région de l’Est.
À 15 kilomètres au sud de Nancy, Chaligny est un village lorrain à flanc de colline, adossé à la forêt de Haye et dominant la Moselle. Lors de son reportage photographique Félix Roy s’attarde non loin de l’église Saint-Rémy, sur la place de la Fontaine (actuelle place de la IVe République). Café, boucherie, horloger, fontaine-lavoir animent cette place située en haut du bourg.
Dans un cadrage en légère contre-plongée le photographe fixe une scène de la vie quotidienne du village, interrompue par le passage de promeneurs venus de Nancy. Sur la gauche s’activent des lavandières, penchées au-dessus du lavoir. Sur la droite, un groupe de femmes discute, moment d’échange cordial entre des villageoises et trois citadines vues de dos. À l’arrière-plan, des hommes s’affairent dans la préparation des travaux des champs.
La scène se déroule dans l’instantanéité du moment, les personnes ne posent pas, même si certaines regardent le photographe avec curiosité. La composition de l’image est équilibrée, avec comme point de fuite la grande rue qui monte vers le haut du village.
Témoignage de la vie rurale en Lorraine au début du XXe siècle, cette photographie est riche en informations ethnologiques. L’on y voit les tenues simples et pratiques des lavandières, qui s’opposent au chic des bourgeoises nancéiennes portant capelines et chapeaux sophistiqués. L’on y voit aussi du matériel agricole et une réserve de bois stockés au bord de la rue, ainsi qu’un chariot à échelle tiré par un cheval. L’on y voit enfin les maisons rurales typiquement lorraines, maisons-blocs réunissant grange et habitat.
Félix Roy raconte, à travers l’œil de son objectif, la rencontre de la ville et de la campagne : il la montre simple, conviviale, sans préjugés. Il dépeint aussi un lieu aujourd’hui disparu : la fontaine n’existe plus, la place est devenue un simple carrefour où se croisent les voitures.