Le Héron
Manufacture de Toul-Bellevue
Manufacture de Toul-Bellevue
XIXe siècle
Biscuit de terre de pipe
H. 21 ; L. 8 ; P. 6,2 cm
Inv. 44.1.12
Don des héritiers de Pierre-Joseph-Louis Hennequin, 1944
À son arrivée au musée en 1944, cette statuette fut successivement décrite sur les cahiers d’inventaire comme une paysanne gavant une oie ou bien tenant un cygne. Mais l’observation attentive du long bec du volatile permet de l’identifier plutôt comme un héron, ce que confirme le catalogue des figures et groupes de la manufacture de Toul-Bellevue datant de 1898 où ce modèle apparaît. Il est en réalité produit à Toul dès les années 1770, époque à laquelle la faïencerie reçoit, grâce à Charles Bayard, le titre de Manufacture Royale. Sur un socle rectangulaire, une jeune paysanne, portant un fichu sur la tête, une chemise aux manches relevées, un corsage à lacet et un tablier retroussé sur sa jupe, tient dans ses mains l’oiseau encore vivant qui se débat, le bec ouvert et l’aile déployée. L’aspect charmant et populaire qui se dégage de cette œuvre cache vraisemblablement une réalité beaucoup plus aristocratique, comme en témoigne la statuette représentant Le Fauconnier qui constitue son pendant.
Le volatile renvoie en effet à un type de chasse très prestigieux appelé le « haut-vol » dont le gibier est constitué par les hérons, les milans ou les buses. Couru par les souverains qui entretiennent pour cet usage des héronnières, le « vol pour le héron » est le degré le plus noble de la fauconnerie. Les oiseaux utilisés pour cette chasse, des faucons gerfauts, sont au nombre de trois. Le premier d’entre eux, nommé hausse-pied, est chargé d’attaquer le héron afin de lui faire prendre son envol. Puis le tombisseur est ensuite jeté au secours afin de cavaler l’oiseau en tombant sur lui, avant que le teneur ou preneur ne le lie, c’est-à-dire qu’il s’en saisisse de ses serres. De même que le paon, le faisan et le cygne, le héron faisait partie des grands oiseaux que l’on servait lors des festins princiers de la Renaissance et sur lesquels l’on faisait des vœux. Il est par conséquent qualifié de « viande royale » en 1570 par Charles Estienne et Jean Liébaut dans leur Agriculture et Maison rustique. En outre, les plumes très fines de sa huppe représentent des objets très recherchés des plumassiers pour la confection d’ornements vestimentaires.
Pierre-Hippolyte Pénet
Bibliographie :
LIGER (Louis), La nouvelle maison rustique : ou Économie rurale, pratique et générale de tous les biens de campagne, Paris, Deterville et Desray, 1798, volume 3, p. 660.
Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle, appliquée aux arts, principalement à l’agriculture, à l’économie rurale et domestique, Paris, Deterville, 1803, volume 10, p. 531.
HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 75-76, n°33.
CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 94, 100.