La Chamaille aux raisins

Comme dans les œuvres de François Boucher et dans certains biscuits d’Étienne-Maurice Falconet, les figures d’enfants ont particulièrement inspiré les créations de Paul-Louis Cyfflé qui s’est plu à en représenter les jeux ou les disputes, appelées chamailles. Parmi les différents modèles créés par le sculpteur sur cette thématique, celui de La Chamaille aux raisins est l’un des plus célèbres. Il pourrait sembler être une transposition enfantine d’une composition galante de Boucher conservée à la Frick collection représentant L’Automne. Assis sur un tertre gazonneux, un jeune garçon tient dans sa main gauche une grappe de raisins et repousse du bras une jeune fille qui tente d’attraper le raisin en tirant les cheveux du garçonnet. À ses pieds, un panier de fruits renversé indique probablement qu’il vient de dérober une grappe ne lui appartenant pas. Afin de susciter l’illusion de mouvement d’une scène prise sur le vif, la composition met en avant l’élan de la jeune fille et le déséquilibre du jeune garçon sur le point de glisser. Un soin particulier est accordé aux expressions des deux personnages comme en témoigne le visage pincé et déterminé de la première et le cri figé et plaintif du second dont la bouche ouverte laisse apparaître les dents.

Créé par Cyfflé dans sa manufacture de Lunéville, ce modèle a également été édité à Toul-Bellevue, où il est mentionné de la fin du XVIIIe siècle à 1898, ainsi qu’en biscuit de porcelaine à la manufacture de Niderviller. À Saint-Clément, il est traité en faïence polychrome ou en biscuit de terre de pipe. Le panier renversé a disparu et les deux protagonistes placés debout sont rebaptisés Les Maraudeurs ou bien Le Voleur de raisins. Dans les catalogues de 1874, 1892 et 1925, le groupe fait écho à celui des Dénicheurs qui se disputent un nid d’oiseau. La thématique de l’enfant chapardeur de fruits apparaît également dans le groupe de La Fruitière ou les Voleurs de pommes, édité à Saint-Clément, dans lequel la marchande surprend un jeune garçon la main dans son panier en osier et lui tire les cheveux de la même manière.

Pierre-Hippolyte Pénet 

Bibliographie :

Figurines de faïence et de porcelaine (XVIIIe siècle) : 250e anniversaire de la Manufacture de Niderviller [cat. exp., Sarrebourg, 20 juin-14 septembre 1986], Sarrebourg, musée du Pays de Sarrebourg, 1986, p. 74.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 77-78, n°34.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 80, 84, 93, 98, 128, 140.