L’Agréable leçon

Manufacture de Lunéville

Manufacture de Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
Dernier tiers du XVIIIe siècle
Biscuit de terre de pipe améliorée
H. 23 ; L. 19 ; P. 14,8 cm
Inv. 95.898
Don Keller et Guérin, entre 1884 et 1887

Le groupe de L’Agréable leçon a été réalisé d’après un tableau de François Boucher présenté au Salon de l’Académie le 25 août 1748 et gravé en 1758 par René Gaillard. Sur un socle rectangulaire, assis sur une terrasse rocheuse, un jeune berger, vêtu d’une chemise ample ouverte sur la poitrine, d’une veste et d’une culotte fendue, entoure de ses bras le cou d’une jeune bergère. Installée près de lui, celle-ci souffle dans une flûte dont son compagnon bouche alternativement les trous. Elle est coiffée d’un bonnet à pans relevés, vêtue d’une chemise, d’un corsage lacé sur le devant et d’une jupe. Son bras repose sur la jambe du jeune homme qui semble esquisser un léger sourire. Si les costumes des personnages reflètent la mode populaire du XVIIIe siècle, leurs pieds nus accentuent la signification érotique de l’œuvre. Pour souligner la dimension pastorale, une petite chèvre est couchée sur la terrasse garnie de rochers et recouverte de mousse.

Le sujet renvoie à la scène V de la pièce de Charles-Simon Favart, Les Vendanges de Tempé, créée à la foire Saint-Laurent à Paris le 28 août 1745. Cette pantomime raconte les amours contrariées d’un petit berger et de sa bergère, Lisette, aux prises avec leurs parents et la jalousie de la cousine Babet. La pièce rencontre un tel succès qu’elle est rejouée en 1752 sous le titre La Vallée de Montmorency ou Les Amours villageoises. Ces spectacles, diffusés par la gravure, sont à l’origine de la création de groupes sculptés. La manufacture de Vincennes-Sèvres en réalise deux versions, l’une en biscuit de porcelaine, l’autre émaillée, désignées comme « le Berger et la Bergère jouant de la flûte » ou « la Bergère jouant du flageolet ». Madame de Pompadour possédait un exemplaire de chacune de ces pièces. De nombreuses manufactures européennes tentent d’imiter ou de créer leur propre version, telles Frankenthal en Allemagne, Chelsea en Angleterre ou Vienne en Autriche. Un exemplaire du groupe, conservé au palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain, a été édité en 1757 à la manufacture de Jacques Chambrette à Lunéville puis le modèle, inversé par rapport à celui de Sèvres, a été réutilisé dans les manufactures de Saint-Clément, de Toul-Bellevue et de Niderviller jusqu’au XXe siècle.

Marie Pintre

Bibliographie :

NOËL (Maurice), « Recherches sur la céramique lorraine au XVIIIe siècle », thèse non publiée, Université de Nancy, 1961, p. 203.

DECKER (Émile), Céramiques lorraines. Chefs-d’œuvre des XVIIIe et XIXe siècles, Metz, éditions Serpenoise, 1990, pp. 188-189.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 83-85.

NOËL (Maurice), « La petite statuaire lorraine en céramique : reflet de l’Europe des lumières », Mémoires  de l’Académie nationale de Metz, t. X, 2006-2007, p. 266.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 65, 71, 80, 82, 93, 97, 108-109.

PRÉAUD (Tamara) et SCHERF (Guilhem), sous la dir. de, La Manufacture des Lumières. La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, [cat. exp., Sèvres, Cité de la Céramique, 16 septembre 2015-18 janvier 2016], Dijon, éditions Faton, 2015, p. 196