L'Oiseau mort

Manufacture Cyfflé à Lunéville

Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle), Jean-Baptiste Grandel (repareur)
1767-1779
Biscuit de porcelaine hybride
H. 22 ; L. 18 ; P. 16 cm
Inv. 95.870
Don de Madame Clément, entre 1863 et 1869
Marque TERRE DE LORRAINE estampée en creux et initiales JG à la pointe

Assise contre une souche d’arbre, une jeune fille, la tête appuyée sur sa main droite, pleure la mort d’un oiseau. Le volatile, la tête pendante et les pattes en l’air, gît sur les genoux de la malheureuse. Celle-ci est vêtue d’une jupe et d’une chemise amples, d’un corsage lacé sur le devant et d’un tablier. Ses cheveux ceints par un ruban sont relevés en un chignon orné d’une tresse. À ses côtés, un jeune homme s’approche de l’oiseau dans un mouvement d’étonnement. Penché en avant, la jambe droite en retrait débordant du socle, il tend la main gauche vers l’animal tandis que son bras droit tient un chapeau rempli de graines. Il est vêtu d’une chemise, d’une veste et d’une culotte. Les deux personnages sont représentés les pieds nus, accentuant ainsi la signification érotique de la scène. À l’arrière de la composition, une brebis et son agneau sont couchés sur le sol de rochers recouverts de mousse piquetée. La cage de l’oiseau a aujourd’hui disparu. Au revers du groupe, les marques « TERRE DE LORRAINE » et les initiales « JG » pour Jean-Batiste Grandel, qualifié de « premier repareur très essentiel à la manufacture » en 1779, indiquent la provenance de la manufacture de Paul-Louis Cyfflé à Lunéville. Ce modèle a été reproduit par la manufacture de Niderviller, dont le Livre des formes précise qu’il est le pendant du groupe de L’Agréable leçon, et par les manufactures de Saint-Clément et de Toul-Bellevue. À Saint-Clément, les moutons sont figurés devant les personnages ; à Toul-Bellevue, la cage est posée aux pieds de la jeune femme ou suspendue au sommet d’un arbre tandis que le socle est rectangulaire.

Le thème de la jeune fille pleurant son oiseau mort a été illustré à deux reprises par le peintre Jean-Baptiste Greuze. Une première version, présentée au Salon de 1765 et conservée aux National Galleries of Scotland d’Edimbourg, montre une jeune fille accablée de chagrin, la tête appuyée sur une main, le bras reposant sur la cage de l’oiseau qui gît sur le dos. Le sujet est interprété par Diderot comme le symbole de la virginité perdue : « Que signifie cet air rêveur et mélancolique ? Quoi ! pour un oiseau ! Vous ne pleurez pas, vous êtes affligée ; et la pensée accompagne votre affliction. Çà, petite, ouvrez-moi votre cœur : parlez-moi vrai ; est-ce bien la mort de cet oiseau qui vous retire si fortement et si tristement en vous-même ?... Vous baissez les yeux ; vous ne répondez pas. Vos pleurs sont prêts à couler. Je ne suis pas père ; je ne suis ni indiscret, ni sévère… ». Dans une autre version, datée de 1800 et conservée au musée du Louvre, la jeune fille s’avance d’un air surpris vers l’oiseau qui repose sur une console. La première version a sans doute inspiré les différentes versions en biscuit de porcelaine et en porcelaine polychrome produites à Niderviller et à Saint-Clément, avec une pose différente.

Marie Pintre

Bibliographie :

DIDEROT (Denis), Salons, Paris, T. I, JLJ Brière, 1821, pp. 245-251.

NOËL (Maurice), « Les biscuits de Cyfflé, étude de thèmes », La Lorraine dans l’Europe des Lumières, Actes du colloque de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Nancy, 1968, p. 245.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 110-115, n°51. 

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 80, 82, 93, 97, 111.

CALAME (Catherine) et MAGGETTI (Marino), « Paul-Louis Cyfflé et ses recettes de Terre de Lorraine », Revue de la société des amis du Musée national de la céramique, n°21, 2012, p.74-86.