L’Amour

Manufacture Cyfflé à Lunéville

Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
1768-1779
Biscuit de porcelaine hybride
H. 35,5 ; L. 20 ; P. 19,5 cm
Inv. D.T.S.109
Collection Thiéry-Solet, Dépôt de la Ville de Nancy, 1921.
Marque TERRE DE LORRAINE estampée en creux et C à la pointe

Sur un socle rond, la statuette représente un adolescent nu à la musculature à peine dessinée. Dans un léger contrapposto, le jeune homme est appuyé contre une souche d’arbre sur laquelle pousse un rosier. Deux grandes ailes aux plumes et aux nervures finement détaillées se déploient dans son dos. Ses cheveux bouclés ceints par un bandeau retombent sur sa nuque. L’index droit porté devant sa bouche, l’adolescent esquisse un sourire mutin tandis que sa main gauche cherche à extraire une flèche de son carquois. Accroché à une branche, l’objet est orné de cannelures, d’une couronne de feuilles et d’un motif floral à la base. Cette figure s’inspire de l’iconographie d’Harpocrate, dieu enfant de la mythologie grecque adapté de la divinité égyptienne Horus dont le geste enfantin de l’index porté à la bouche a été interprété comme une marque du silence, et de celle du dieu de l’Amour, Éros, fils de la déesse Aphrodite. La flèche qu’il s’apprête à décocher est destinée à rendre amoureux tandis que le geste du silence invite le spectateur à la complicité, rappelant ainsi le couplet de Voltaire :

« Qui que tu sois, voici ton maître
Il l’est, le fut ou le doit être ».

En 1757, le sculpteur Étienne-Maurice Falconet réalise à la demande de Madame de Pompadour, un Amour menaçant en marbre, pour le jardin de son hôtel d’Évreux. Le jeune enfant assis s’apprête à extraire une flèche de son carquois, l’index de la main droite posé sur ses lèvres. L’œuvre a été éditée en biscuit à la manufacture de Sèvres dès 1758. Les catalogues de la manufacture de Saint-Clément de 1874 et de 1892 désignent un Amour méditant reprenant le modèle de Falconet. Le succès de cette œuvre a donné lieu à plusieurs versions. En 1892, le catalogue Keller et Guérin de la manufacture de Lunéville recense au n°97 un Amour menaçant d’après la figure éditée à Sèvres par Louis-Simon Boizot en 1777. L’enfant s’apprête à retirer une flèche de son carquois mais n’invite pas au silence. Par ailleurs, le catalogue des tarifs de la manufacture de Toul-Bellevue répertorie en 1798 un Grand amour silencieux  et un Petit amour silencieux, devenus en 1875 Le Grand amour et Le Petit amour. Le biscuit du palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain, réalisé à la manufacture de Paul-Louis Cyfflé à Lunéville, diffère du modèle de Falconet par la position debout et l’âge adolescent du personnage.

Marie Pintre

Bibliographie :

NOËL (Maurice), « Recherches sur la céramique lorraine au XVIIIe siècle », thèse non publiée, Université de Nancy, 1961, p. 66.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de recherche sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 131-132, n°60.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 25, 66, 72, 81, 87, 94, 99, 163.

CALAME (Catherine) et MAGGETTI (Marino), « Paul-Louis Cyfflé et ses recettes de Terre de Lorraine », Revue de la société des amis du Musée national de la céramique, n°21, 2012, p.74-86.