Henri IV et Sully

Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue

Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul Bellevue
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
Dernier tiers du XVIIIe siècle
Biscuit de terre de pipe
H. 37,2 ; L. 37,7 ; P. 12,6 cm
Inv. 95.872
Don de Monsieur de Dumast, entre 1884 et 1887
Inscription peinte: RELEVEZ VOUS MAIS RELEVEZ VOUS DONC ROSNY ILS VONT CROIRE QUE JE VOUS PARDONNE.

En 1762, le dramaturge Charles Collé porte sur scène la comédie intitulée Le Roi et le Meunier qui remporte un grand succès mais se voit refusée par la Comédie-Française. L’auteur lui ajoute alors un acte et rebaptise la pièce La Partie de chasse de Henri IV. Le premier monarque Bourbon y est présenté comme un souverain proche de son peuple et fidèle en amitié. Une des scènes les plus célèbres située dans l’acte I narre le dénouement d’une intrigue menée par les marquis de Concini et de Bellegarde contre Maximilien de Béthune, duc de Sully et ministre du roi, dont ils souhaitent la disgrâce. Après s’être disculpé, Sully se jette aux pieds du souverain pour lui témoigner sa reconnaissance. Le monarque s’exclame alors : « Eh ! Que faites-vous donc là, Rosny ? Relevez-vous donc… Prenez donc, prenez donc garde : ces gens qui nous voient, mais qui n’ont pas pu entendre ce que nous disions, vont croire que je vous pardonne. Vous n’y songez pas, relevez-vous donc ! » Si Louis XV autorise la pièce à être imprimée, il refuse qu’elle soit jouée sur les théâtres publics, craignant probablement qu’une comparaison puisse être faite entre le règne de son populaire ancêtre et le sien. Le roi assiste néanmoins à la pièce en 1771 lors de l’inauguration du pavillon de musique de Madame du Barry à Louveciennes ainsi que dans les appartements du Dauphin. La pièce est reçue finalement à la Comédie-Française en 1774, sous le règne de Louis XVI qui peut alors se placer avec son ministre Turgot dans les pas d’Henri IV et de Sully.

Le modèle créé par Paul-Louis Cyfflé à Lunéville s’inspire de la gravure d’Antoine-Jean Duclos d’après Hubert-François Gravelot illustrant l’ouvrage de Collé. Il représente la célèbre scène entre Henri IV et son fidèle ministre. Sully, tenant son chapeau de la main gauche, s’agenouille devant le roi tandis que ce dernier l’incite à se relever en le prenant par la main. Le groupe est placé sur un socle haut orné de guirlandes de lauriers. Sur sa face avant, une inscription en lettres d’or extraite de la célèbre réplique royale permet au spectateur d’identifier immédiatement la scène. Le groupe fait partie des plus célèbres pièces créées par Cyfflé. En 1768, un exemplaire est offert au roi Christian VII de Danemark lors de sa visite à l’atelier du sculpteur accompagné d’un quatrain élogieux du poète de cour François-Antoine Devaux : « Cette belle action le nomme, mais sans cet héroïque trait votre cœur le reconnoîtrait, un grand homme d’abord, reconnoît un grand homme ». Trois exemplaires sont également mentionnés dans la chambre à coucher du prince Louis-Charles Othon de Salm au château de Senones ainsi que dans les collections de Catherine II de Russie et de Charles-Alexandre de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas. Le modèle de Cyfflé a ensuite été édité à Saint-Clément, à Niderviller et à Toul-Bellevue. Dans cette dernière manufacture, le moule créé par Cyfflé pour la figure d’Henri IV est réutilisé pour créer un groupe l’associant à son descendant Louis XVI à qui il semble montrer la voie. Le Vert galant apparaît également parfois sur un vase surmontant le groupe du Chasseur à la fontaine, mettant ainsi en avant un aspect plus libertin du monarque qui parait assister à la scène de manière complice.

Pierre-Hippolyte Pénet

Bibliographie :

NOËL (Maurice) in BASTIAN (Jacques) (dir.), notice dans Faïences de Lorraine, 1720-1840, [cat. exp., Nancy, Musée lorrain, 14 mai-29 septembre 1997], Nancy, éditions du Pays Lorrain, 1997, pp. 85-86.

NOËL (Maurice), « Les acquéreurs de statuettes en terre de Lorraine », Le Pays lorrain, Nancy, 1998, pp. 39-40.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 178-181, n°86.

NOËL (Maurice), « La petite statuaire lorraine en céramique : reflet de l’Europe des lumières », Mémoires  de l’Académie nationale de Metz, t. X, 2006-2007, p. 274-275.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 80, 83, 93, 97, 173.

CHERY (Aurore), « Louis XVI ou le nouvel Henri IV », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], Articles et études, mis en ligne le 16 septembre 2010, consulté le 22 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/crcv/10466 ; DOI : 10.4000/crcv.10466.