Renaud et Armide
Manufacture Cyfflé à Lunéville
Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
1768 - 1779
Biscuit de terre de pipe améliorée
H. 36 ; L. 27 ; P. 27 cm
Inv. D.95.869
Dépôt du musée national de la Céramique de Sèvres
Marque CYFFLE A LUNEVILLE et inscription RENAUD ET ARMIDE estampés en creux
Parue en 1580, la Jérusalem délivrée du Tasse est probablement l’ouvrage italien le plus célèbre de l’époque moderne avec le Roland furieux de l’Arioste. La trame de ce grand poème épique est la première croisade menée par Godefroy de Bouillon à la fin du XIe siècle afin de reprendre Jérusalem aux mains des Sarrasins. Au milieu de ce contexte belliqueux se déroulent plusieurs intrigues amoureuses dont la plus célèbre a pour protagonistes la magicienne sarrasine Armide et le chevalier chrétien Renaud. Elle inspire plusieurs opéras dont le plus connu en France est l’Armide de Jean-Baptiste Lully, dernière tragédie en musique achevée en 1686 par le compositeur qui mourut un an après. Pour se venger du valeureux Renaud qui a délivré ses captifs, Armide décide de le tuer par ruse. Parvenu dans un lieu charmant, le jeune chevalier s’endort sur le gazon sous l’emprise de la magie alors que des nymphes l’enchaînent grâce à des guirlandes de fleurs. Survient alors la magicienne qui s’apprête à tuer son fatal ennemi de son poignard vengeur. Mais à l’instant de le frapper, découvrant son visage, elle ne peut se résoudre à lui ôter la vie. À son tour prisonnière des charmes de l’amour, elle décide d’emmener le jeune homme dans son palais enchanté afin de ne plus jamais le quitter.
C’est précisément à cette scène que renvoie le groupe réalisé par Paul-Louis Cyfflé vers 1770 dont l’iconographie fait écho à un tableau de Carle Van Loo commandé pour le cabinet du roi du palais royal de Turin. Allongé contre un rocher, Renaud apparaît alangui, les jambes croisées, dans une pose presque lascive avec à ses pieds son casque, son bouclier, son carquois, son arc et sa lance. À sa gauche se tient la belle magicienne, le torse dévêtu. Un genou posé sur le rocher, le poignard tombé au sol, elle est en train d’attacher les chevilles et le bras du chevalier grâce à une élégante guirlande de fleurs. La posture des deux personnages permet de créer une composition pyramidale au sommet de laquelle se rejoignent les deux visages, soulignant particulièrement bien la grande sensualité de la scène et mettant ainsi l’accent sur le moment central de l’épisode où la vengeance de la magicienne est désarmée par la beauté de l’amour. Le lieutenant général de police de Nancy Nicolas Durival possédait un exemplaire de ce modèle acheté le 22 juin 1780 au moment de la fermeture de la manufacture. De même, le prince Louis-Charles Othon de Salm en acquit un exemplaire qui fait partie des cinq figures de Cyfflé mentionnées sous des cloches de verre dans sa chambre à coucher au château de Senones. Le modèle a été également édité avec quelques différences et un décor polychrome à Niderviller. Il apparaît dans le Livre des formes de la manufacture sous les n°1 et 34.
Pierre-Hippolyte Pénet
Bibliographie :
MOREY (Prosper), Les statuettes dites de terre de Lorraine, Nancy, Crépin-Leblond, 1871, p. 37.
NOËL (Maurice), notice in DECKER (Emile) (dir.) Céramique Lorraine, Chefs-d’œuvre des XVIIIe et XIXe siècles [cat. exp., Nancy, Musée lorrain-Atlanta, High Museum, 1990-1991], Nancy, éditions Serpenoise, Presses Universitaires de Nancy et Conseil général, 1990, p. 185.
NOËL (Maurice), « Les acquéreurs de statuettes en terre de Lorraine », Le Pays lorrain, Nancy, 1998, pp. 37-38.
HECKENBENNER (Dominique), Faïences de Niderviller, collections du Musée du Pays de Sarrebourg, 2002, p. 43.
HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 120-121, n°54.
CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 160-166.
GUENOT Jeannine, LEVIEUGE Évelyne et Guy, notice dans FRANZ (Thierry) et PHILIPPOT (Alain), Musée du château des Lumières Lunéville, 10 ans d’acquisitions révélées, [cat. exp., « Les coulisses du musée, 10 ans d’acquisitions révélées », Lunéville, 29 avril-12 novembre 2017], Ars-sur-Moselle, éditions Serge Domini, 2017, p. 149.