Saint Bruno
Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue
Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
Derniers tiers du XVIIIe siècle ?
Biscuit de terre de pipe
H. 11,5 ; L. 11,3 ; P. 6,2 cm
Inv. 44.1.13
Don des héritiers de Pierre-Joseph-Louis Hennequin, 1944.
Né au XIe siècle à Cologne, saint Bruno exerce la charge d’écolâtre à l’école cathédrale de Reims avant de se tourner vers une vie cénobitique. Grâce à l’évêque de Grenoble Hugues de Châteauneuf, il s’installe avec six compagnons dans le massif de la Chartreuse où il fonde un ermitage. Observant une stricte clôture, les moines y vivent dans des maisonnettes individuelles dans lesquelles ils prient, travaillent et prennent leur repas, ne se retrouvant ensemble que pour la messe et deux offices par jour. Ce premier monastère est à l’origine de l’ordre des Chartreux qui essaime ensuite jusqu’en Calabre où le saint fondateur meurt en 1101 à l’ermitage de la Torre. Bien qu’il n’ait jamais été canonisé officiellement, son culte est autorisé par le pape Léon X puis inscrit au calendrier liturgique à l’occasion du Concile de Trente. À l’époque moderne, de nombreux artistes choisissent de représenter le saint fondateur des Chartreux en prière ou bien en extase. Vers 1700, le peintre Jean-Baptiste Jouvenet le représente à genoux, abandonné dans la prière, tenant entre ses mains un crucifix, tandis qu’à l’arrière plan deux chartreux semblent le montrer en exemple. Le tableau est gravé par Pierre Drevet ainsi que par Louis Desplaces qui l’accompagne de ces deux distiques : « Si malgré sa vertu, ce Patriarche austère / Par des retours sur luy, gemit en ce Saint lieu / Pêcheur, par des retours sur toy, sur ta misère / Gémis, pleures, fléchis la colère d’un Dieu ».
C’est vraisemblablement de cette composition que s’inspire Paul-Louis Cyfflé pour créer son biscuit représentant le patron des Chartreux. Son modèle est ensuite repris à Toul-Bellevue et à Niderviller où l’on mentionne également une vingtaine de figures de saints. Dans le modèle de Cyfflé, saint Bruno est représenté agenouillé devant un austère tronc d’arbre, parfois devant un amas de pierre, qui lui sert de prie-Dieu. Revêtu d’une tunique de drap blanc surmontée de la cuculle rappelant les tabliers monastiques médiévaux, il porte également un chapelet à sa ceinture. Comme dans de nombreuses représentations peintes du saint apparaissent au sol un crâne, un sablier et un livre servant de memento mori. Sur cet exemplaire, une inscription, habituellement présente sur des tombes, a d’ailleurs été ajoutée à l’encre sur le livre : « Hodie mihi, Cras tibi » (Moi aujourd’hui, toi demain). Le musée conserve trois versions du modèle de Cyfflé avec trois socles différents : un socle rectangulaire à pans coupés, un socle de forme ovale et une dernière version sans socle.
Pierre-Hippolyte Pénet
Bibliographie :
MOREY (Prosper), Les statuettes dites de terre de Lorraine, Nancy, Crépin-Leblond, 1871, p. 40.
HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, p. 152, n°72.
CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 95, 176.