Buste de Voltaire

Manufacture Cyfflé à Lunéville

Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle), Jean-Baptiste Grandel (repareur)
1767 - 1779
Biscuit de porcelaine hybride
H. 22,5 ; L. 11,5 ; P. 10,5 cm
Inv. 95.875
Don de Mademoiselle Mathieu, entre 1884 et 1887
Marque TDL estampée en creux et initiales JG à la pointe

François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), séjourne à plusieurs reprises à la cour de Lorraine. Après le scandale de la publication des Lettres philosophiques, en 1734, il quitte Paris et se réfugie au château de Cirey (Haute-Marne), auprès de son amie et maîtresse Émilie de Breteuil, marquise du Châtelet (1706-1749). En 1735, le philosophe se rend une première fois seul à Lunéville, à la cour de Léopold Ier, puis y retourne en 1748 en compagnie d’Émilie du Châtelet. À la cour du duc Stanislas Leszczynski, il rencontre de nombreux esprits éclairés, réunis autour de la marquise de Boufflers, dont le poète François-Antoine Devaux dit Panpan (1712-1796) ou encore Jean-François, marquis de Saint-Lambert (1716-1803) qui devient le nouvel amant de la marquise du Châtelet. Le 10 septembre 1749, cette dernière décède des suites d’un accouchement. Très affecté, Voltaire quitte définitivement Lunéville.

Le buste est monté sur un socle mouluré orné d’une guirlande et d’un trophée d’instruments de musique. Voltaire porte une longue perruque bouclée, une chemise à jabot en dentelle et une veste déboutonnée sous laquelle on entrevoit un gilet. Ses épaules sont recouvertes d’un manteau dont les plis dévoilent la fourrure. Le visage allongé et les traits creusés de vieil homme contrastent avec le front bombé, le regard vif et les lèvres serrées esquissant un sourire railleur qui traduisent l’intelligence et la malice du personnage. De nombreux sculpteurs ont immortalisé les traits de Voltaire dont Jean-Baptiste II Lemoyne (1704-1778), auteur d’un buste en marbre conservé à l’abbaye royale de Chaalis, ou Jean-Antoine Houdon (1741-1828), qui a réalisé deux modèles de buste, l’un en habit contemporain et perruque, l’autre le torse tronqué, tête nue, à la manière des philosophes antiques (musée du Louvre). Si Houdon a obtenu quelques séances de pose à Paris en 1778, il n’est pas certain que Paul-Louis Cyfflé, alors élève du « sculpteur et architecte ordinaire du roi » Barthélémy Guibal (1699-1757) lors du second séjour de Voltaire à Lunéville en 1748, ait eu ce privilège. Il a toutefois pu rencontrer le philosophe à cette occasion. Un modèle du buste en biscuit a été offert par Panpan Devaux à son ami Monsieur de Latran, accompagné d’un compliment : « À Monsieur de Latran en luy donnant Voltaire de C… / En un seul morceau de sculpture / Daigne, ami, pour étrenne accepter de ma main le chef d’œuvre de la nature et celui du ciseau lorrain ». L’œuvre a connu un tel succès qu’elle a été reproduite et diffusée. Le catalogue des tarifs la manufacture de Toul-Bellevue confirme la réalisation de modèles en 1798, 1875 et 1898.

Marie Pintre

Bibliographie :

NOËL (Maurice), « Recherches sur la céramique lorraine au XVIIIe siècle », thèse non publiée, Université de Nancy, 1961, p. 183.

NOËL (Maurice), « Les biscuits de Cyfflé, étude de thèmes », La Lorraine dans l’Europe des Lumières, Actes du colloque de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Nancy, 1968, p. 183.

NOËL (Maurice), « Les acquéreurs de statuettes en terre de Lorraine », Le Pays lorrain, Nancy, 1998, p. 39.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 175-176, n°84.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 12, 13, 95, 96, 177.

CALAME (Catherine) et MAGGETTI (Marino), « Paul-Louis Cyfflé et ses recettes de Terre de Lorraine », Revue de la société des amis du Musée national de la céramique, n°21, 2012, p.74-86.