L’Empereur Joseph II

Manufacture Cyfflé à Lunéville

Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle), Jean-Baptiste Grandel (repareur)
Vers 1778
Biscuit de porcelaine hybride
H. 33,5 ; L. 20 ; P. 17 cm
Inv. 06.04.03.102
Mode d’entrée dans les collections inconnu
Marque TERRE DE LORRAINE estampée en creux et initiales JG à la pointe

Le 12 février 1736, le duc François III de Lorraine épouse l’archiduchesse Marie-Thérèse à Vienne, donnant ainsi naissance à la Maison de Habsbourg-Lorraine. Cette union est bénie par la naissance de seize enfants qui permettent à l’Autriche d’assurer de nombreuses alliances matrimoniales avec les puissances européennes. Après avoir mis au monde trois filles (Marie-Élisabeth en 1737, Marie-Anne en 1738 et Marie-Caroline en 1740), l’archiduchesse donne le jour à l’héritier tant attendu, l’archiduc Joseph, le 13 mars 1741. À la mort de son père en 1765, ce dernier devient empereur sous le nom de Joseph II mais partage le pouvoir avec sa mère. Informé par l’ambassadeur d’Autriche à la cour de France des dissipations et difficultés conjugales de sa sœur, la jeune reine Marie-Antoinette, il décide d’entreprendre en 1777 un voyage incognito en France sous le pseudonyme de comte de Falkenstein. Sur la route de Versailles, l’empereur s’arrête le 13 avril à Lunéville où il assiste aux manœuvres des gendarmes rouges installés dans l’ancien château de ses ancêtres. À cette occasion, le sculpteur Paul-Louis Cyfflé réalise un médaillon à l’effigie de l’empereur accompagné de l’inscription « Il voyageoit en inconnu, mais ses vertus l’ont fait reconnoitre ». Quelques années plus tard, alors que Cyfflé a quitté la Lorraine pour ses Pays-Bas natals, il exécute à la manufacture de Hastières une statue en pied de Joseph II estimée 66 florins.

Cette statuette conservée au musée de Nancy, dont on ne connaît ni la date ni le contexte d’entrée dans les collections, était encore récemment exposée comme une représentation de Charles-Alexandre de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas autrichiens. Néanmoins, une comparaison attentive entre la physionomie du modèle et celle du prince lorrain nous amène à réfuter cette identification qui reposait vraisemblablement sur la mention en date du 5 juin 1777 du journal secret du gouverneur : « Donné pour un nommé Sifflet qui a fait ma statue en biscuit, 50 ducats souverains et tabatières en or ». La statuette du musée représente plus vraisemblablement l’empereur Joseph II dont l’apparence semble mieux correspondre aux traits plus fins de l’arcade sourcilière, du nez et de la bouche. La marque TERRE DE LORRAINE et les initiales du repareur Jean-Baptiste Grandel nous permettent de situer la réalisation de l’œuvre entre 1777 et 1779, peut-être au moment du passage de l’empereur à Lunéville ou bien quelques temps plus tard. Cette datation plus précise plaide en faveur de cette nouvelle identification. Le modèle est représenté en pied, vêtu d’une armure moderne et d’un grand manteau maintenu par un fermail. Le regard dirigé au loin, il tient de la main droite un bâton de commandement et porte une épée au côté droit. Il porte autour de son cou le collier de l’ordre de la Toison d’or tandis qu’à ses pieds un globe, un livre et un compas désignent le protecteur des arts, des lettres et des sciences.

Pierre-Hippolyte Pénet

Bibliographie :

MARCHAL (Charles), Histoire de Lunéville, avec une lithographie, Paris, Lecointe, Lunéville, Creusat, 1829, pp. 59-60.

WARREN (de) (Lucien), « Paul Louis Cyfflé (1724-1806) », Journal de la société d’archéologie lorraine et du Musée historique lorrain, Nancy, Crépin-Leblond, 1883, p. 9

NOËL (Maurice), « Les acquéreurs de statuettes en terre de Lorraine », Le Pays lorrain, Nancy, 1998, p. 40.

CALAME (Catherine) et MAGGETTI (Marino), « Paul-Louis Cyfflé et ses recettes de Terre de Lorraine », Revue de la société des amis du Musée national de la céramique, n°21, 2012, p.74-86.