La Découverte du corps de saint Alexis
XVIIe siècle
Huile sur toile
H. 159, L. 113 cm
Inv. 3558
Achat auprès de René Leblanc, 1938
Inscription StA peinte au revers
Le 10 mai 1938, le conservateur des musées de Lunéville signale à René Huygue une œuvre susceptible d’intéresser le Musée du Louvre. Il précise qu’elle se trouve à Nancy chez le peintre René Leblanc qui prétend l’avoir découverte dans un grenier local. Le conservateur attribue le tableau à La Tour et l’identifie comme L’Ange apparaissant à saint Joseph pendant son sommeil. Cette même année, l’œuvre est publiée par François-Georges Pariset comme une Découverte du corps de saint Alexis et finalement acquise le 11 juillet par le Musée lorrain pour la somme de 20 000 francs. Un cadre ancien de style Louis XIII lui est attribué. Mais en 1952, la découverte d’un autre exemplaire de cette composition (aujourd’hui à la Galerie nationale de Dublin) remet en cause l’attribution du tableau nancéien. Depuis l’exposition commune des deux œuvres à Paris en 1972, les spécialistes semblent s’accorder à y voir plutôt deux répliques anciennes d’un original perdu. L’étude scientifique du tableau nancéien a permis de définir une préparation et une couche picturale rendant la toile compatible avec une œuvre sortie de l’atelier du maître lorrain.
Les archives incitent à rapprocher cette œuvre de l’« image saint Alexis » peint par La Tour pour le marquis de la Ferté-Senneterre, gouverneur français de Nancy sous le règne de Louis XIII. La commande eut lieu en 1648 et le gouverneur dut recevoir la toile de la part de la ville de Lunéville pour les étrennes du 1er janvier 1649. La Tour reçut pour cette œuvre la somme de 500 francs. Le sujet relate l’histoire de saint Alexis, patricien romain légendaire du Ve siècle. Pieux et vertueux, le jeune homme décide le jour même de ses noces de quitter sa famille pour se consacrer à une vie de mendicité et d’ascèse en Orient. De retour à Rome, le saint trouve refuge sous l’escalier de ses parents où il passe dix-sept années sans être reconnu. Après sa mort, il est identifié grâce au morceau de parchemin racontant son histoire qu’il tient entre ses mains. Le culte du saint, emblème de la « belle mort », fut réaffirmé au XVIIe siècle en Europe, en partie grâce aux jésuites. En témoignent les diverses représentations théâtrales relatant sa vie données par l’université de Pont-à-Mousson en 1602, 1667 ou encore 1685.
Comme ses confrères contemporains Jacques Callot, Claude Mellan et Balthasar Moncornet, La Tour choisit de représenter la découverte du corps du saint mais en plongeant la scène dans la nuit. Il y introduit le personnage du jeune homme qui n’est pas sans rappeler le modèle du Souffleur à la pipe, au costume identique. Tenant une torche à la main, celui-ci dévoile le corps d’Alexis en soulevant le manteau qui le recouvre et s’apprête à découvrir son identité grâce au papier qu’il serre entre ses mains. La flamme fait ressortir le satin rouge des manches et donne presque l’impression que le plumet du chapeau prend feu. Elle met particulièrement l’accent sur le visage du jeune homme permettant ainsi au spectateur de partager sa surprise muette. Le profil du saint émergeant de l’obscurité et empreint d’une grande sérénité possède une dimension christique évidente. Vêtu d’une tunique bleu foncé et d’un manteau pratiquement identiques à ceux du Saint Pierre repentant du Cleveland Museum of Art, son grand âge et sa pauvreté semblent ici comme déjà transfigurés par la sainteté. L’ajout plus tardif de la partie supérieure de la toile permet d’offrir à la scène une plus grande monumentalité et de restituer l’arcade symbolisant la soupente de l’escalier de la maison familiale.
Pierre-Hippolyte Pénet
Bibliographie :
PARISET (François-Georges), « L’Image Saint-Alexis ou Georges de La Tour au Musée historique lorrain », Le Pays lorrain, 1938, pp. 417-430.
CHONÉ (Paulette), « La Découverte du corps de saint Alexis », Georges de La Tour – un peintre lorrain au XVIIe siècle, Paris, Éditions La Renaissance du livre, 1996, p. 149.
CUZIN (Jean-Pierre), Notice in CUZIN (Jean-Pierre) et ROSENBERG (Pierre) Rosenberg (dir.), Georges de La Tour [cat. exp., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 3 octobre 1997 – 26 janvier 1998], Paris, Réunion des musées nationaux, 1997, p. 248-249.
MARTIN (Élisabeth) et RAVAUD (Élisabeth), « La radiographie des peintures de chevalet », Techne, RMN-GP, 1995, n°2, p. 158-161.
SALMON (Dimitri), Le Saint Joseph charpentier de Georges de la Tour : un don au Louvre de Percy Moore, Gent, Snoeck, 2018, p. 84.