La France cède à la Lorraine le cœur de la reine Marie Leszczynska
François Senémont
François Senémont (1720, Nancy – 1782, Nancy)
Vers 1771-1780
Huile sur bois
H. 103,8 ; l. 75 cm
Inscription sur le fût de la colonne : « LA FRANCE / CEDE A LA LORRAINNE / LE COEUR DE LA REINE MARIE LECSINSKA LE 22 7.BRE 1768. »
Nancy, Palais des ducs de Lorraine, Musée lorrain,
inv. III.756
Achat, 1923
Le 24 juin 1768, la reine Marie Leszczynska s’éteint à Versailles à l’âge de quarante-deux ans. Monseigneur de Rosset de Rocozels de Fleury, évêque de Chartres et aumônier de la reine, est alors chargé de transporter son cœur à l’église Notre-Dame de Bonsecours à Nancy, où elle souhaitait qu’il repose auprès de ses parents. Après une halte au palais épiscopal de Toul le 21 septembre, le clergé français parvient dans la soirée du 22 à l’entrée de Nancy où il semble faire un nouvel arrêt au domaine de La Chatte, propriété du peintre Senémont. Le cortège se forme ensuite à la porte Saint-Stanislas et accompagne aux flambeaux les trois carrosses transportant les aumôniers, les chevaliers et dames d’honneur de la reine. Il parvient enfin à Bonsecours où un service solennel est célébré le lendemain.
À l’issue de la cérémonie, le cœur de Marie Leszczynska est placé auprès de celui de Stanislas, dans le caveau de l’église. Pour honorer la mémoire de son épouse, Louis XV commande au sculpteur Claude-Louis Vassé un monument funéraire placé près de l’autel, sur lequel deux angelots en larmes présentent le cœur de la souveraine.
D’après la tradition, François Senémont, nommé peintre ordinaire de la Ville de Nancy en 1756, réalise ce trumeau de cheminée pour commémorer la halte opérée par le cortège transportant le cœur de la reine dans son domaine de La Chatte, acquis en 1766. La composition représente la France prenant dans ses bras la figure de la Lorraine et lui remettant un cœur reliquaire sur un coussin de tissu noir. Le sujet est explicité par l’inscription figurant sur le fût de la colonne renversée. Le peintre s’est visiblement inspiré d’une gravure de Demarteau représentant La France témoignant son affection à la Ville de Liège, réalisée d’après le dessin de Charles Nicolas Cochin et présentée au Salon de 1771. Senémont en reprend très exactement la composition. On retrouve ainsi les deux figures allégoriques assises sur des nuées, mais le cœur de la reine a remplacé le blason de Liège et l’allégorie de la Lorraine se trouve revêtue de ses couleurs traditionnelles tandis que son manteau est semé de croix à double traverse. La principale différence entre la gravure et la peinture, outre l’orientation inversée des figures, réside dans le paysage qui les entoure. Sénemont a en effet choisi un cadrage plus large, ce qui lui permet d’insérer la colonne brisée, une grande draperie surplombant les allégories et à l’arrière plan une maison qui paraît être la sienne et dont le nom semble évoqué par la présence du chat sur le rebord de la fenêtre.
Pierre-Hippolyte Pénet
Audioguide station 15 : Senémont, La France remettant à la Lorraine le coeur de Marie Leszczynska
Historique :
Acheté à Monsieur Robert Debarge en 1923.
Bibliographie :
CHARLOT (abbé), « Dépôt du cœur de la reine Marie Leczinska dans l’église de Bon-secours », Journal de la société d’archéologie et du comité du musée lorrain, XI° année, 1862, p. 65-69.
RENAULD Jules, « École lorraine, Le peintre Senémont (1720-1782) », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1877, CXXVIIIe année, 4e série, t. X., p. 27-55.
VOREAUX Gérard, Les Peintres lorrains du dix-huitième siècle, Paris, éditions Messene, 1998, p. 125-126.