Portrait de Louis XIII

Jacques Callot et Michel Lasne

Jacques Callot (1592, Nancy – 1635, Nancy) Michel Lasne (1590, Caen– 1667, Paris)
Vers 1633 -1634
Gravure à l’eau forte et au burin
H. 60,7 ; l. 43,8 cm
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. D.2006.0.675
Dépôt de la Bibliothèque Municipale de Nancy

Jacques Callot a beaucoup gravé pour le roi de France, souverain à même de faire valoir son talent. En 1633-1634, il représente le roi de guerre, victorieux, ayant mis fin à l’agitation armée protestante (1629) et favorisé la mise au pas de la Savoie, du Piémont (1630) et de la Lorraine (1633).

Sur cette œuvre, réemploi partiel de sa gravure de la bataille d’Avigliana (1629) dans le Val de Suse, le roi est représenté à cheval, en général victorieux et couronné par la grâce divine. La titulature à la romaine au bas de la gravure, évoque bien ces victoires récentes : il a vaincu les « Italiens » – la Savoie – lors de la guerre de succession de Mantoue, les Anglais dans la dernière guerre de religion… et les Lorrains en 1633. Louis le Juste a pourtant été magnanime. Alors qu’il prépare l’entrée de son royaume dans la guerre de Trente Ans contre les Espagnols, le roi est en effet venu par deux fois en Lorraine en 1632, afin de s’assurer de la fidélité du duc Charles IV. Mais, trompé par ce dernier, Louis XIII a entrepris la campagne de Lorraine en 1633, pris Nancy et occupé les duchés.

Ainsi, cette estampe avait certainement pour les contemporains un second sens que celui représenté directement. En effet, le vainqueur d’Avigliana, Henri II de Montmorency, s’est depuis rendu félon envers son roi en complotant avec Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII : il l’a payé de sa vie et a été décollé à Toulouse en 1632. Il en est un autre qui a trahi la parole donnée au roi, c’est le duc de Lorraine Charles IV, lequel a en plus couvert et animé les agissements de Gaston, jusqu’au mariage secret avec Marguerite de Lorraine : le courroux royal, de ce souverain élu de Dieu, peut s’exprimer librement et légitimement contre le « sujet » et parjure lorrain avec l’occupation de ses terres. L’occupation des duchés est ainsi légitimée.

Laurent Jalabert

Bibliographie :

CHONÉ Paulette, avec TERNOIS Daniel, DEPLUVREZ Jean-Marc, HECKEL Brigitte (sous la dir. de), Jacques Callot. 1592-1635, [Cat. exp., Nancy, Musée lorrain, 13 juin – 14 septembre 1992], Paris, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 1992.

PARROT David, « Richelieu, Charles de Gonzague-Nevers et le ‘jeu forcé’. La France et la guerre de la Succession de Mantoue, 1628-1630 », dans BÉLY Lucien et RICHEFORT Isabelle (sous la dir. de), L’Europe des traités de Westphalie. Esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, Paris, PUF, 2000, p. 337-346.

DUCCINI Hélène, Faire voir, faire croire: l'opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003.