Mandement satirique de l’évêque de Toul contre Chaumont de La Galaizière

26 juin 1758
Manuscrit
H. 34 ; l. 22 cm (fermé)
Nancy, Archives départementales de Meurthe-et-Moselle,
4F 16 n°38

Nommé chancelier de Lorraine par Stanislas le 18 janvier 1737, Antoine-Martin Chaumont de la Galaizière reçoit une partie importante du pouvoir, remplissant notamment les fonctions majeures de justice, de police et de fiscalité. C’est particulièrement dans ce dernier domaine que La Galaizière se révèle très vite impopulaire en créant de nouveaux impôts et corvées. De plus, on reproche au chancelier de profiter de sa fonction en plaçant plusieurs membres de sa famille à des postes importants comme son frère le comte de Lucé, nommé représentant officiel du roi de France auprès de Stanislas, ou encore son fils Barthélémy qui deviendra premier évêque de Saint-Dié en 1777. De nombreux portraits à charge ou chansons satiriques sont diffusés en Lorraine, comme le signale Nicolas Durival dans son journal le 27 septembre 1758 : « On continue toujours à faire des chansons et des écrits aussi mauvais qu’ils sont noirs et méchants, des coureurs de nuit vomissent dans les rues les propos les plus exécrables, pour toujours soutenir les esprits dans le même fanatisme et la même fermentation. On frappe aux portes, aux fenêtres pour crier : réveillez-vous gens qui dormez, criez vive Chateaufort, Beaucharmois, Protin et la Cour souveraine ; prenez ensuite vos jarretières, accourez pour étrangler La Galaizière ».

On retrouve ces satires sous plusieurs formes différentes à l’image de ce prétendu mandement de Claude Drouas de Bussey, évêque de Toul de 1754 à 1773. Un mandement est un texte adressé par un évêque aux fidèles de son diocèse et dont il est fait lecture lors de la messe dans les différentes paroisses. Il s’agit par conséquent d’un texte à grande diffusion. Dans cette version parodique, l’auteur qui s’exprime par la bouche de Monseigneur de Drouas commence son texte par un constat terrible de l’état de la Lorraine : « Le Ciel est irrité mes tres chers freres et les maux que vous souffrés aujourd’huy sont une preuve evidente de la Colere du Seigneur (…) vos fortunes épuisées (…) vos privilèges abolis (…) vos campagnes dévastées (…) vos familles s’expatriant par désespoir pour fuir le joug de l’oppression et de la tyrannie ». La Galaizière, qui n’est jamais cité directement, est bien entendu à l’origine de ces maux. Le texte évoque l’« arrogant despotisme » d’un homme « perfide et orgueilleux ».

L’évêque prie pour que Dieu puisse ouvrir « les yeux d’un monarque bienfaisant que la droiture de son cœur ainsi que toutes ses actions (…) ont annoncés à l’univers comme le Pere de son peuple mais dont on a surpris la Justice et la Religion ». Il invoque le châtiment divin envers le chancelier : « Alors l’Impie tremblant et confondû deviendra luy même l’objet de la Colere celeste et éprouvera les Justes chatimens que meritent son orgueil et sa dureté ». Le texte termine en ordonnant que soit dite à toutes les messes l’oraison Contra persecutores et male agentes et il est signé : « Claude Eveque C. de Toul et plus bas par Monseigneur Patriophile ».

Pierre-Hippolyte Pénet

Sources :

Nancy, Bibliothèque municipale : 1310-1323, Journal de Durival l'aîné, de 1737 à 1795.