Portrait allégorique du maréchal de Belle-Isle

Jean Valade

Jean Valade (1710, Poitiers – 1787, Paris)
1758
Huile sur toile
H. 100 ; l. 80,50 cm
Signé et daté en bas à gauche : « Valade fecit / 1758 »
Versailles, Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, inv. MV. 4400
Achat, 1843

Petit-fils du célèbre surintendant des finances de Louis XIV, Charles-Louis-Auguste Fouquet duc de Belle-Isle est nommé gouverneur de la province des Trois-Évêchés en 1733. Durant le règne de Stanislas, il devient commandant en chef puis lieutenant général de la Lorraine, détenant ainsi le pouvoir militaire dans les duchés. Résidant à Metz depuis 1727, il entreprend de grands travaux pour moderniser l’urbanisme de la ville en aménageant notamment l’île du Saulcy où il fait édifier l’hôtel des spectacles, les pavillons de la Douane et de Saint-Marcel ainsi que l’hôtel de l’Intendance. Il initie également l’aménagement de la nouvelle place d’Armes, au grand dam des chanoines de la cathédrale qui assistent impuissant à la destruction de leur cloître et de cinq églises. Sur cette place l’architecte Jacques-François Blondel édifie l’hôtel de ville, le corps de garde et le nouveau parlement.

En 1758, le peintre Jean Valade réalise ce portrait de Belle-Isle au moment où, après avoir été élevé quelques années auparavant à la dignité de maréchal puis de duc et pair, il devient secrétaire d’État à la guerre. Le peintre reprend le modèle du pastel réalisé dix ans plus tôt par Maurice-Quentin de La Tour qui représente Belle-Isle de profil arborant avec noblesse les ordres de la Toison d’or et du Saint-Esprit. La composition s’inspire d’une toile de Boucher de 1747 intitulée Thèse dédiée à Monseigneur le Dauphin et développe autour du médaillon une riche iconographie allégorique à la gloire du maréchal. Assise sur la gauche, Minerve s’appuie sur les Commentaires de César et l’Histoire de Xénophon tout en posant le pied sur l’œuvre de Machiavel, mettant ainsi en avant les qualités militaires et politiques de Belle-Isle. Assistée par la Victoire, elle couronne de lauriers le portrait du maréchal. Au sommet de la composition, la Renommée tient de la main droite ses deux trompettes et de la main gauche un étendard fleurdelisé où est inscrit une devise tirée de Virgile : Sic itur as astra : « Ainsi atteint-on les étoiles ».

L’œuvre qui constitue le seul portrait de l’artiste représentant des figures allégoriques est présentée au salon de 1767 où elle essuie la violente critique de Diderot : « Et toujours Mars, Vénus, Minerve, Jupiter, Hébé, Junon ; sans les dieux du paganisme, ces gens là ne sauraient rien faire. Je voudrais bien leur ôter ce maudit catéchisme païen (…) Cette allégorie de Valade choque les yeux par le
discordant ; elle est pesamment faite, sans aucune intelligence de lumière et d’effet. Figures détestables de couleur et de dessin ; nuage dense, épais, à couper à la scie ; femmes longues, maigres et
raides ; grands mannequins en petit ; énorme Minerve, bien corpulée, bien lourde ; et puis il faut voir les draperies, l’agencement de tout ce fatras ; les accessoires même ne sont pas faits ». L’écrivain conclue par une définition lapidaire de l’œuvre du malheureux peintre :
« Rien ».

Pierre-Hippolyte Pénet

Historique :

Acheté en 1843 par le musée de Versailles à Monsieur Bertrand.

Expositions :

Diderot et l’art de Boucher à David, les salons, Paris, Hôtel de la monnaie, 1984-1985.

Jean Valade, Poitiers, Musée Sainte-Croix, 1993.

Bibliographie :

CROZET René, « Note sur le pastelliste Jean Valade (1710-1787) », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 1943, p. 35.

DOWLEY Francis, « French portraits of ladies as Minerva », Gazette des beaux arts, 1955, t. XLV, p. 261-286.

SAHUT Marie-Christine, Diderot et l’art de Boucher à David, les salons, Paris, Réunion des musées nationaux, 1984, p. 364-366.