Miroir d’applique aux armes de Lorraine et d’Orléans
France ou Lorraine
France ou Lorraine
Vers 1720
Miroir, cadre de bois sculpté et doré
H. 132 ; l. 80 cm
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. D.T.S. 255
Dépôt de la ville de Nancy, 1921
En France, à la fin du XVIIe siècle, la mode est au miroir pour le décor des appartements. Avec la cheminée « à la royale », attribuée à l’agence de l’architecte Jules Hardouin-Mansart, cette matière encore coûteuse investit les intérieurs, sous la forme de grands panneaux placés au-dessus des chambranles de marbre. Elle devient un signe de luxe et un marqueur de modernité. Dès le début de son règne, le duc Léopold sacrifie à cette mode parisienne, plutôt timidement au palais de Nancy mais de façon plus spectaculaire à Lunéville, lors des travaux de rénovation entrepris en 1701-1702. Une commande de vingt-quatre grands trumeaux de glace est même passée en 1705 à la manufacture des Dombes. Elle devait rester sans suite à cause des contraintes douanières. Nommé premier architecte du duc de Lorraine en 1711, Germain Boffrand a la haute main sur la décoration des appartements. Il y fait intervenir Granier, un marchand miroitier parisien qui compte dans sa clientèle le fastueux prince de Vaudémont ou l’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière.
Les miroirs d’applique appartiennent au décor mobile, contrairement aux panneaux de glace intégrés dans les lambris. Malgré l’absence d’inventaire précis, leur usage est connu dans les châteaux ducaux. Au début du XVIIIe siècle, la duchesse Élisabeth-Charlotte puise ainsi dans l’héritage de sa belle mère, Éléonore-Marie de Habsbourg, deux somptueux miroirs à cadre d’argent massif pour orner sa chambre. Le modèle de bois doré exposé ici est plus simple, mais pourrait bien provenir d’un appartement de la duchesse, comme l’attestent ses armes et celles de son époux sur les montants latéraux. Au centre du fronton, le petit masque de Diane serait un rappel de la passion d’Élisabeth-Charlotte pour la chasse. Si l’origine du miroir lui-même reste obscure, l’hypothèse d’une provenance locale pour son cadre est à envisager. Les fournisseurs lorrains ne sont pas oubliés par Léopold, à l’image d’Oriot, doreur et marchand miroitier établi à Nancy. Le bois doré s’anime de palmettes et de rinceaux feuillagés à la sculpture vigoureuse, qui décline le vocabulaire ornemental propre à la Régence. Parmi les artistes qui décorent les résidences ducales dans les années 1720, Jean Vallier, Barthélemy Mesny ou encore Barthélemy Guibal fournissent de nombreux cadres, mais plutôt destinés à des tableaux. Commande parisienne ou production régionale, ce miroir constitue l’un des rares vestiges du mobilier de la duchesse Élisabeth-Charlotte, une souveraine élevée dans les fastes de Versailles qui a largement contribué à la diffusion du goût français en Lorraine.
Thierry Franz
Historique :
Provenant de la collection Thiéry-Solet, le miroir a été déposé par la ville de Nancy au Musée lorrain en 1921.
Bibliographie :
HUMBERT Chantal, Les Arts décoratifs en Lorraine, de la fin du XVIIe siècle à l’ère industrielle, Paris, éditions de l’Amateur, 1993.
FRANZ Thierry, « Chimères et turbans. Lunéville et l’art de la Régence en Lorraine », dans collectif, Éclat et scintillement. Lumière sur le décor de la chambre de la duchesse à Lunéville [cat. exp., Lunéville, Musée du château des Lumières, 2 août - 2 novembre 2014], Ars-sur-Moselle, Serge Domini éditeur, 2014, p. 40-61.