Partie de service de table aux armes de Lorraine et d’Orléans
Faïenceries de Moustiers et de Strasbourg
Faïenceries de Moustiers et de Strasbourg
22 pièces attribuées à Moustiers (2 assiettes, 19 plats, 1 aiguière) ; 2 assiettes réassorties à Strasbourg
1er quart du XVIIIe siècle - 3e quart du XVIIIe siècle
Faïence, émail stannifère
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. D.III.483
Dépôt de la ville de Nancy, 1913
Le Musée lorrain possède vingt-quatre pièces d’un service en faïence aux armes du duc Léopold et de son épouse Élisabeth-Charlotte d’Orléans. D’autres éléments du même ensemble sont conservés aujourd’hui au musée des arts décoratifs de Strasbourg, au musée national Adrien Dubouché de Limoges, au musée de Lunéville ainsi qu’en collections particulières. L’essentiel est attribué à la production de Moustiers, même si plusieurs pièces ont été réassorties plus tardivement par Joseph Hannong à Strasbourg. Par la diversité de ses formes, il illustre la diffusion du service à la française, défini par l’arrivée sur la table de nombreux plats en vagues successives, tous disposés selon un ordre et une symétrie étudiés, de façon à permettre aux convives de se servir eux-mêmes. Dans ce domaine, le duc de Lorraine entend se conformer aux usages de la cour de France. Il fait ainsi envoyer à Paris au début de 1698 ses principaux officiers de Bouche, afin qu’ils soient formés dans les cuisines de Louis XIV et de son futur beau-père, Monsieur, frère du roi.
Rien ne confirme aujourd’hui la tradition qui associe la commande de cet ensemble au mariage de Léopold. Les documents en rapport avec l’évènement ne mentionnent pour la table ducale que des pièces d’orfèvrerie, avec surtout le grand service de vermeil et d’argent réalisé à Paris pendant l’été 1698. Même si en France les fontes ordonnées par Louis XIV en 1709 mettent la faïence au devant de la scène, la grande aristocratie reste réticente face à cette « vaisselle de terre » considérée comme indigne. Une stricte hiérarchie des matières s’impose toujours. Elle se manifeste sur la table d’un prince souverain comme le duc de Lorraine qui souhaite affirmer son statut, en particulier lors des repas officiels pris en public. Les archives n’évoquent clairement que l’argent et le vermeil pour la vaisselle ducale. On trouve toutefois mention de six assiettes d’or, envoyées à la fonte en 1736, et, à la même époque, d’un service de porcelaine pour le dessert, vraisemblablement venu de Chine. Se pose ainsi la question de l’usage des pièces de simple faïence. Étaient-elles réservées aux tables des officiers de la cour, comme en France dans les résidences royales ? Il nous faut peut-être tourner le regard vers la duchesse Élisabeth-Charlotte qui, en digne fille de Monsieur, affichait en privé son goût de la céramique. Le service pourrait alors provenir de l’une de ses retraites lunévilloises, comme sa ménagerie ou son petit appartement du commun nord, où nous savons qu’elle conservait une partie de ses porcelaines et de ses faïences.
Thierry Franz
Historique :
Selon la tradition familiale, cette partie de service aurait été donnée par le duc François III et son frère le prince Charles-Alexandre de Lorraine à leur précepteur le baron de Charvet. Elle a été léguée à la ville de Nancy en 1913 par Charles-Hubert Magot, ancien adjoint au maire de Pont-à-Mousson.
Bibliographie :
FRANZ Thierry, « Entre apparat et commodité : le service de la table des ducs de Lorraine à Lunéville au XVIIIe siècle », dans COCULA Anne-Marie et COMBET Michel (sous le dir. de), Châteaux, cuisines & dépendances, Bordeaux, Ausonius éditions, 2014, p. 233-249.