Portrait d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans, duchesse de Lorraine et de Bar (1676-1744)

École lorraine

École lorraine
Vers 1730
Huile sur toile
H : 122 ; l. 94,7 cm
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. D.95.366
Dépôt du musée des Beaux-Arts de Nancy, inv. 1840.196

Parfois attribué à Hyacinthe Rigaud, ce portrait d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans portant le voile du deuil ne présente pas, malgré de réelles qualités, celles que l’on pourrait attendre du grand portraitiste de Louis XIV. Il est impossible aujourd’hui de mettre en rapport le couple ducal de Lorraine et ce peintre, même s’il a travaillé notamment pour le cousin de Léopold, le prince Charles-Henri de Vaudémont, comme l’atteste sa comptabilité. Le lien avec Rigaud repose ici sur l’iconographie, la duchesse de Lorraine ayant choisi de reprendre l’attitude exacte que le peintre avait donnée à sa mère, Élisabeth-Charlotte de Bavière, princesse palatine (1652-1722), dans son portrait le plus célèbre. Livré en 1713, le tableau avait été bien accueilli à Versailles, et tout d’abord par la princesse elle-même, pourtant dotée d’un regard acerbe. L’expression et la pose du modèle lui confèrent à la fois humanité et grandeur, un sentiment que n’efface pas la théâtralité du décor. Plusieurs répliques en ont été diffusées. L’une d’entre elles, signée Guillemard et datée de 1719, a vraisemblablement appartenu aux collections ducales avant d’être offerte en 1725 par Élisabeth-Charlotte à sa dame d’honneur et rivale, la princesse de Craon.

L’image conçue par Rigaud a marqué la duchesse, dont la ressemblance physique avec sa mère s’accroît avec les années. Son ombre plane ainsi sur l’iconographie officielle dès la fin du règne de Léopold, après les visions plus légères données par le lorrain Nicolas Dupuy ou le  parisien Pierre Gobert. Ce dernier se serait déjà largement inspiré de la composition de Rigaud pour un portrait de la duchesse aujourd’hui à Versailles (MV 4358). Mais l’œuvre du Musée lorrain reprend plus fidèlement encore, jusque dans le détail des dentelles, le modèle de l’effigie maternelle. Au-delà du geste de piété filiale se dessine un message politique. Élisabeth-Charlotte, devenue régente par la volonté de son fils François III, désigne la croix de Lorraine sur la couronne posée à ses côtés, rappel discret des symboles héraldiques qui alternent avec les fleurs de lys sur le manteau de velours. La composition permet de réaffirmer ce statut de souveraine auquel elle reste viscéralement attachée, dans le contexte politique incertain qui est pour elle celui des années 1730, quand son fils met à mal la transmission dynastique de l’État lorrain.

Thierry Franz

Historique :

Portrait d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans, duchesse de Lorraine et de Bar, peint vers 1730 sur le modèle du portrait d’Élisabeth-Charlotte de Bavière, princesse Palatine, peint par Rigaud en 1713. Déposé par le musée des Beaux-Arts de Nancy au Musée lorrain en 1864 (dépôt de l’administration municipale).

Expositions :

Éclat et scintillement. Lumière sur le décor de la chambre de la duchesse à Lunéville, Lunéville, Musée du château des Lumières, 2014.

Sources :

Nancy, Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : B 12 432.

Bibliographie :

VOREAUX Gérard, Les Peintres lorrains du dix-huitième siècle, Paris, éditions Messene, 1998.

FRANZ Thierry, « Le portrait d’une mère. La piété filiale par l’image», dans collectif, Éclat et scintillement. Lumière sur le décor de la chambre de la duchesse à Lunéville [cat. exp., Lunéville, Musée du château des Lumières, 2 août – 2 novembre 2014], Ars-sur-Moselle, Serge Domini éditeur, 2014, p. 20-24.

ROZE Francine, « Élisabeth-Charlotte d’Orléans, de la cour de France à la cour de Lorraine », dans collectif, Éclat et scintillement. Lumière sur le décor de la chambre de la duchesse à Lunéville [cat. exp., Lunéville, Musée du château des Lumières, 2 août – 2 novembre 2014], Ars-sur-Moselle, Serge Domini éditeur, 2014, p. 6-19.