Ancienne châsse de saint Sigisbert

Milan (?)

Cat. 32
Milan (?)
Ancienne châsse de saint Sigisbert
Vers 1610
Bois, verre et tissu
H. 63 ; L. 189 ; Pr. 54 cm
Inv. D.65.3.4
Dépôt de la cathédrale de Nancy, 1965

Fils du roi mérovingien Dagobert Ier, Sigisbert III, roi d’Austrasie de 633 à 656, fut proclamé saint en 1170. Ses reliques, conservées dans la crypte de l’église de l’abbaye bénédictine de Saint-Martin-devant-Metz depuis sa mort, furent transférées au prieuré Notre-Dame de Nancy suite au siège de Metz de 1552. En 1602, échouant à obtenir du Saint-Siège la création d’un évêché à Nancy, le duc Charles III de Lorraine reçut en compensation celle d’un primat, ecclésiastique pouvant revêtir les ornements d’un évêque sans pour autant en posséder le pouvoir administratif. Alors que débutait le chantier d’une église primatiale aux allures de cathédrale, il devint nécessaire d’offrir à Nancy un saint patron. La figure de saint Sigisbert devint l’objet d’une appropriation symbolique par la famille ducale car elle permettait à la fois de faire de Charles III l’héritier des rois d’Austrasie et le défenseur de la foi catholique dans le contexte des guerres de Religion.

Nommé premier primat de Lorraine en 1607, Antoine de Lenoncourt commanda une châsse dédiée à accueillir les reliques du saint. Probablement réalisée à Milan, celle-ci était constituée d’une armature en bois clair, sur laquelle était plaqué un palissandre, richement ornée de plaques d’argent, de cuivre doré, d’émail ainsi que d’une épitaphe, d’une inscription et des armes du primat. Elle fut placée en élévation sur une plateforme soutenue par des colonnes en marbre et des termes d’argent au-dessus de l’autel de la seconde primatiale provisionnelle, érigée en 1609. Ce dispositif était proche de celui de la châsse de sainte Geneviève placée dans le chœur de l’église parisienne éponyme. Lors des évènements importants comme les catastrophes naturelles, les guerres et les épidémies, le corps de saint Sigisbert était descendu en présence des magistrats municipaux afin de permettre la vénération de ses reliques par les Nancéiens. Créée en 1668, une confrérie mixte fut placée sous l’invocation du saint et accueillit par la suite plusieurs membres de la famille ducale et de la cour.

Lorsque la primatiale définitive (actuelle cathédrale) fut terminée en 1742, la châsse y fut installée au-dessus du siège du primat. Descendue au sein du maître-autel dans la 2e moitié du XVIIIe siècle, elle fut profanée le 20 novembre 1793 par les révolutionnaires qui en arrachèrent les ornements précieux. Les reliques du saint furent en grande partie brûlées dans la cour de la maison O’Mahoni, rue Lyautey, mais certaines d’entre elles furent replacées au début du XIXe siècle dans une nouvelle châsse en bois doré qui se trouve toujours à la cathédrale de Nancy. Au sein de l’ancienne châsse, restaurée au début du XIXe siècle, furent déposées d’autres reliques dont celles de saint Gauzelin, évêque de Toul au Xe siècle, provenant de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames.

Pierre-Hippolyte Pénet

Historique :

Installée dans la 2e primatiale provisionnelle de Nancy vers 1610. En 1742, déplacée quatre mois dans l’église des Tiercelins puis dans la primatiale définitive, au-dessus de l’autel. Descendue dans le maître-autel après 1766. Profanée le 20 novembre 1793. Déposée au Musé lorrain en 1965 et installée dans l’église des Cordeliers.

Bibliographie :

AULBÉRY (Georges), Histoire de la vie de St Sigisbert roy d’Austrasie duquel le corps sainct se voit entier à Nancy. Contenant une succinte description de la Lorraine et de la Ville de Nancy, capitale de ce duché, Nancy, 1616, p. 166-167.

LIONNOIS (Jean-Jacques), Histoire des villes vieille et neuve de Nancy depuis leur fondation jusqu’en 1788, Nancy, Haener, 1811, t. III, p. 283-284.

LEPAGE (Henri), Histoire de la relique de saint Sigisbert, déposée en l’église cathédrale de Nancy, Nancy, Vagner, 1851, p. 3-16.

GUILLAUME (Pierre-Étienne), La cathédrale de Nancy, notice descriptive et artistique, Nancy, Collin, 1870, p. 58.

AUGUIN (Edgard), Monographie de la cathédrale de Nancy depuis sa fondation jusqu’à l’époque actuelle, Nancy, Berger-Levrault, 1882, p. 113-114, 183-184, 191-192 et 224.

HURSTEL (Jean), « Antoine de Lenoncourt, un grand prélat lorrain, 1559-1636 », Le Pays lorrain, 1994, n°4, p. 288.

JUNG (François), « Le culte de saint Sigisbert en Lorraine », Mémoires de l’Académie nationale de Metz, Metz, Académie nationale de Metz, 2004, p. 168.

HENRYOT (Fabienne), « Saint Sigisbert et Nancy à l’époque moderne », dans DEREGNAUCOURT (Gilles), KRUMENACHER (Yves), MARTIN (Philippe) et MEYER (Frédéric) (dir.), Dorsale catholique, jansénisme, dévotion. Mythe, réalité, actualité historiographique, Paris, Riveneuve éditions, 2014, p. 3-4.

MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), « D’une châsse à l’autre, les tribulations de saint Sigisbert, patron de la ville de Nancy », Le Pays lorrain, décembre 2017, p. 323-336.