Lambris et stalles de l’avant-chœur des chanoines de l’abbaye des Prémontrés de Salival

Lorraine

Cat. 38
Lorraine
Lambris et stalles de l’avant-chœur des chanoines de l’abbaye des Prémontrés de Salival
1695
Bois sculpté
H. 385 ; L. 2490 ; Pr. 220 cm
Inv. D.2006.0.1083
Dépôt de la Ville de Nancy, 1819
Classé Monument Historique en 1908
Inscriptions : sur la 1ère miséricorde de gauche : « 1695 », et au centre de la frise : « CPS »

Fondée par la comtesse Mathilde de Salm-Hombourg, entre 1140 et 1157, l’abbaye des Prémontrés de Salival (Moselle) dut son nom (en latin Salina vallis) à la présence des nombreuses sources salées de la Seille qui contribuèrent à sa grande richesse. Après avoir été dévastée en 1590 lors des guerres de Religion, l’abbaye fut principalement reconstruite à partir de 1670. Les travaux furent commencés par l’abbé Antoine Collart et poursuivis par Rémi Josnet qui orna somptueusement l’intérieur de l’église. C’est sous son abbatiat (1681-1720) que furent mises en place les stalles de l’avant-chœur des chanoines, datées de 1695, complétées en 1776 par les boiseries du sanctuaire exécutées par Joseph François Brêche dit la Bonté (v.1717-1784) également chargé du buffet d’orgue. Après la nationalisation des biens du clergé en 1789, les bâtiments de l’abbaye furent mis en vente en 1796. Jugée dangereuse, l’église fut finalement démolie en 1823.

D’abord placées dans l’avant-chœur de l’église, entre le maître-autel et la partie de la nef où se tenaient les laïcs assistant aux offices, les stalles de l’église des Cordeliers de Nancy furent quant à elles déplacées au début du XVIIIe siècle à l’arrière du maître-autel, suite à la reconstruction du chœur par le duc Léopold. Elles disparurent à la Révolution avec l’ensemble du mobilier de l’église. Afin de les remplacer, la Ville de Nancy acheta en 1819 une partie des lambris et stalles de l’avant-chœur de l’église de Salival ainsi que des armoires de même provenance qui furent installées dans la sacristie des Cordeliers. D’autres boiseries réputées provenir de l’avant-chœur de Salival furent remontées dans le chœur de la collégiale de Marsal (Moselle) et un panneau dans le réfectoire des Frères de la Doctrine chrétienne à Nancy (non localisé). Les lambris du sanctuaire furent achetés par Léopold Baillard pour l’église de Flavigny-sur-Moselle juste avant la destruction de l’église abbatiale. Entre 1835 et 1840, ils furent revendus et placés dans le chœur de la chartreuse de Bosserville. Puis, en 1901, les chartreux furent expulsés et partirent s’installer à Pleterje (Slovénie) en emportant avec eux les boiseries et les pièces essentielles du mobilier de Bosserville.

Initialement prévues pour être présentées en deux rangées parallèles de part et d’autre de l’avant-chœur des chanoines de Salival, les lambris et stalles sélectionnés par la Ville de Nancy furent remontés dans une configuration différente, en un seul rang de stalles, contre les trois pans du sanctuaire. Restaurés par le sculpteur Lépy, ils furent par ailleurs complétés d’une frise par Nicolas-Pierre France. Vingt-cinq travées de lambris en chêne sont aujourd’hui séparées alternativement par douze pilastres cannelés corinthiens et par quatorze putti, dont dix sont des termes. Parmi eux, les dix placés sur les côtés sont tous vêtus de manière différente et dotés d’instruments de musique. On distingue ainsi, de gauche à droite : une flûte, un cornet, des cymbales, un tambourin, une flûte, un serpent, un violon, un triangle, une trompette (disparue) et un cor. L’imposante corniche contient une frise ornée de fleurs et de motifs végétaux faisant écho aux chutes de fruits et de fleurs placées sous chaque putto. Comme l’a montré Claire Decomps, la représentation de ces éléments naturels est d’une grande qualité. On peut reconnaître, pour les fruits, pommes, poires, grenades, raisins, prunes, abricots, pêches, figues, groseilles, glands, nèfles, cerises, faines, mais aussi maïs et petit pois, et, pour les fleurs, roses, pivoines, narcisses, lys, œillets et tournesols. L’ensemble de ce décor témoigne sans doute de la grande richesse des jardins de l’abbaye, restaurés à la même époque que la réalisation des lambris. En-dessous, les miséricordes des stalles sur lesquelles prenaient place les religieux, sont sculptées de feuilles, de fleurs, du chiffre de la Vierge, de têtes d’anges ou d’homme barbu. La première située sur la gauche porte quant à elle la date de 1695 qui permet de dater l’ensemble. Au centre de l’abside, à l’emplacement de l’ancienne porte donnant accès à la sacristie au XVIIIe siècle, a été installée la stalle abbatiale surmontée, dans la frise, d’un cartouche portant les initiales CPS. Celles-ci désigneraient, selon Claire Decomps, le nom latin de l’abbaye de Salival : Conventus Praemonstratenis Salinae Vallis. Vers 1962, l’abbé Choux ajouta, au dessus de la stalle centrale, le blason aux armes pleines de Lorraine provenant de la devanture de la librairie nancéienne de René Wiener, puis, sans doute en 1980, le premier rang de stalles basses dont l’origine est inconnue.

Pierre-Hippolyte Pénet

Historique :

Mis en place en 1695 dans l’avant-chœur des chanoines de l’abbaye de Salival. Achetés 760 francs plus 452,40 francs de transport par la Ville de Nancy et installés dans le chœur de l’église des Cordeliers. Blason aux armes de Lorraine ajouté vers 1962 et premier rang de stalles sans doute en 1980.

Bibliographie :

GUILLAUME (Pierre-Étienne), Cordeliers et chapelle ducale de Nancy, Nancy, Peiffer, 1851, p. 225-226 et LX.

LOSSKY (Bernard), « Œuvres d’art intéressant la Lorraine dans les pays slaves », Le Pays lorrain, 1939, p. 112.

MAROT (Pierre), Guide du visiteur, Nancy, 1948, p. 113-114.

DECOMPS (Claire), « Le mobilier dispersé de l’abbaye de Salival », dans COLLECTIF, Art sacré et patrimoine [cat. exp. Vic-sur-Seille, musée Georges de La Tour, 2004], Metz, Éditions Serpenoise, 2004, p. 89-96.

DECOMPS (Claire), « À la table des religieux de Salival », Les Cahiers du château de Lunéville, 2011, n°7, p. 42-45.

MARTIN (Étienne), « La profanation de l’église des Cordeliers et de la chapelle ducale, sa restauration », dans MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), L’église des Cordeliers, le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du Musée lorrain, 2022, p. 161, 162 et 186.

MARTIN (Étienne), « Un siècle au service de la mémoire des ducs et de la mise en valeur des œuvres d’art », dans MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), L’église des Cordeliers, le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du Musée lorrain, 2022, p. 239.