La Vierge de Lorette portée par les anges - Le Christ mort pleuré par un ange
D’après un modèle de Rémy François Chassel
Cat. 44 et 45
D’après un modèle de Rémy François Chassel
(Metz ?, v.1665 – Nancy, 1752)
La Vierge de Lorette portée par les anges
Le Christ mort pleuré par un ange
Vers 1756
Marbre
H. 210 ; L. 230 ; Pr. 70 cm
H. 52 ; L. 133 cm
Inv. D.2006.0.1082.1 et D.2006.0.1082.2
Classé Monument Historique en 1908
Dépôt de la Ville de Nancy
Ayant cédé en 1737 son duché de Lorraine au roi Louis XV, qui le confia à son beau-père Stanislas Leszczynski, le duc François III de Lorraine devint grand-duc de Toscane la même année puis empereur du Saint Empire romain germanique en 1745. Désormais installé en Autriche, le nouvel empereur ne délaissa pas la chapelle funéraire nancéienne de ses ancêtres et fit réaliser des travaux pour l’embellir. Vers 1756, l’architecte lorrain Jean Nicolas Jadot, qui avait suivi François III à Florence puis à Vienne, fit notamment réaliser le maître-autel dédié à la Vierge de Lorette à qui la chapelle avait été consacrée en 1612. Celle-ci faisait l’objet d’une dévotion importante depuis que, dans les dernières années du XIIIe siècle, la maison de la Vierge à Nazareth, lieu de conception divine du Christ, aurait été transportée par des anges depuis la Terre Sainte jusqu’à Trsat (actuelle Croatie) avant d’être offerte au pape Boniface VIII qui la plaça à Lorette (Italie centrale).
L’autel construit sous la direction de Jadot est connu grâce à un devis du 2 janvier 1755, au plan et à l’élévation réalisés par le marbrier Pierre Lonnoy et à un dessin de l’historien Mory d’Elvange. Au centre de l’autel, au dessus du tabernacle, la Vierge était sculptée assise sur le toit de sa maison, la Santa Casa, tenant sur ses genoux l’Enfant Jésus. Celui-ci portait d’une main un globe surmonté d’une croix et bénissait de l’autre. La maison était posée sur une nuée au centre de laquelle on distinguait trois têtes d’angelots tandis que, sur les côtés de l’autel, deux anges adorateurs à genoux sur des consoles supportaient d’une main l’édifice. Sur la face avant, un bas-relief devait représenter le Christ mort, couché dans son linceul et pleuré par un ange. Jadot prévoyait initialement que les figures soient sculptées en pierre de Sorcy mais, comme le précise le devis de 1755, on choisit finalement trois blocs de marbre blanc de Gênes.
La paternité des sculptures pose toujours question. En 1750, l’historien Dom Calmet signalait ainsi que le sculpteur Rémy François Chassel travaillait « actuellement aux figures de l’autel, qui doit être posé dans la Chapelle Royale des Cordeliers de Nancy ». Membre d’une dynastie de sculpteurs, ce dernier œuvra pour la cour de Lorraine et fut professeur à l’Académie de peinture et de sculpture de Nancy. Il traita, à la même époque, le même sujet du Christ mort pleuré par des anges, dans un autre bas-relief toujours en place sur la face avant de l’autel des Agonisants à l’église Saint-Gengoult de Toul. Or Chassel mourut le 5 octobre 1752, à l’âge de 87 ans, et ne put par conséquent sculpter lui-même les figures de l’autel des Cordeliers dont les marbres n’avaient pas encore été fournis. Sans doute donna-t-il le modèle qui permit à un autre sculpteur d’exécuter les statues finales. De la même manière, il avait déjà donné en 1742 ceux du nouveau monument du vœu de la Ville de Nancy pour l’église Notre-Dame-de-Bonsecours dont les sculptures avaient été exécutées par Barthélemy Mesny. Peut-on pour autant également attribuer à ce dernier les sculptures de l’autel de la chapelle ducale ? La comparaison entre la Vierge à l’Enfant toujours en place à Bonsecours et celle des Cordeliers ne nous semble pas très probante. La structure de l’autel fut quant à elle exécutée par Pierre Lonnois, marbrier de Charleville-Mézières, qui exécuta de très nombreux autels en Lorraine à cette même période, notamment à la primatiale de Nancy (actuelle cathédrale), à la cathédrale de Verdun ou bien à celle de Toul.
Durant l’époque révolutionnaire, le groupe de la Vierge de Lorette, les deux anges et le relief du Christ furent transportés à l’église Saint-Epvre et l’autel de Lonnois détruit. Les sculptures furent replacées dans la chapelle ducale en 1826 sur un nouvel autel, construit à cet effet par le marbrier Claude Michel, qui fut en partie repris en 1856. Les sculptures furent par ailleurs restaurées. On refit ainsi le globe porté par l’Enfant et la main gauche de la Vierge à qui on ajouta un sceptre. À en croire les dessins du XVIIIe siècle, il semblerait que la Vierge se soit trouvée placée initialement plus haut que sur l’autel actuel et que la Santa Casa, qui n’est plus aujourd’hui visible qu’à l’arrière du groupe, apparaissait également à l’avant. On remarquera enfin, sur le bas-relief, le détail étonnant de la main droite du Christ mort, encore bénissante et tournée vers le fidèle.
Pierre-Hippolyte Pénet
Historique :
Mis en place dans la chapelle ducale de l’église des Cordeliers vers 1756. Transférés à l’église Saint-Epvre à la Révolution. Remis en place sur un nouvel autel en 1826.
Bibliographie :
CALMET (Augustin), Bibliothèque lorraine, ou Histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine, dans les Trois Évêchés, dans l’archevêché de Trèves, dans le duché de Luxembourg, etc, Nancy, Leseure, 1751, p. 271.
GUILLAUME (Pierre-Étienne), « Détails sur la décoration de la chapelle ducale », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, 1864, p. 230-241.
MAROT (Pierre), Nouvelles recherches sur la Chapelle ducale de l’Église des Cordeliers de Nancy, Nancy, Éditions de la Revue lorraine illustrée, 1930, p.7-10.
JACOPS (Marie-France) et HEMMERT (Didier), « Le rayonnement du marbrier carolopolitain Pierre Lonnoy en Lorraine », Le Pays lorrain, septembre 2008, p. 209-216.
PÉNET (Pierre-Hippolyte), « François III et la restauration de la chapelle ducale », dans MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), L’église des Cordeliers. Le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du Musée lorrain, 2022, p. 109-113.
MARTIN (Étienne), « La profanation de l’église des Cordeliers et de la chapelle ducale, leur restauration », dans MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), L’église des Cordeliers. Le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du Musée lorrain, 2022, p. 148-149.
MARTIN (Étienne), « Du retour des cendres ducales à la Première Guerre mondiale », dans MARTIN (Étienne) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), L’église des Cordeliers. Le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Société d’histoire de la Lorraine et du Musée lorrain, 2022, p. 195-197.