Saint Epvre délivrant des prisonniers
Jacques Durand
Cat. 48
Jacques Durand (Nancy, 1696-1778)
Saint Epvre délivrant des prisonniers
1765
Huile sur toile
H. 315 ; L. 262 (avec le cadre)
Inv. D.2022.0.2
Dépôt du musée des Beaux-Arts de Nancy, 2001
Classé Monument Historique en 1980
Inscription sur la contremarche de l’église : « DURAND INV ET PINX 1765 »
Les informations sur l’apprentissage de Jacques Durand ne sont connues que par l’historien Dom Calmet. Selon lui, l’artiste aurait appris la peinture à Nancy, auprès de Claude Charles, puis à Paris, auprès de Jean-Marc Nattier, et enfin à Rome, auprès de Marco Benefial. Ayant envoyé certaines de ses œuvres en Lorraine, il aurait bénéficié d’une pension du duc Léopold. Les archives attestent qu’il fut de retour en 1724 à Nancy où il se maria en 1729 avec Thérèse Semelle. Le couple eut notamment deux fils peintres, Jean François, né en 1731, et Antoine, né en 1748. En 1743, mentionné comme « peintre de S.A.R », Jacques Durand peignit le lanternon du dôme de la chapelle des Cordeliers d’un ciel représentant le Saint-Esprit et des têtes d’anges ainsi que deux anges peints sur une platine de fer. Puis, en 1747, il exécuta sept tableaux pour le chœur de l’église des jésuites de Pont-à-Mousson (actuelle église Saint-Martin) : L’Adoration des bergers, L’Adoration des Mages, La Présentation du Christ au temple, La Cène, La Résurrection, L’Ascension et La Pentecôte. Mort à Nancy le 9 mars 1778, il fut inhumé à l’église Saint-Roch.
Datée de 1765 et signée « DURAND » cette toile a, selon toute vraisemblance, été peinte par Jacques Durand plutôt que par l’un de ses deux fils. Elle représente un des miracles de saint Epvre, septième évêque de Toul de 500 à 507, relaté dans la vie du saint écrite au Xe siècle. De passage à Châlon-sur-Saône, Epvre prit de pitié trois prisonniers qui se repentaient de leur fautes et demanda leur délivrance au procureur Adrien. Inflexible, celui-ci refusa d’écouter le prélat et promit de faire endurer de terribles tourments aux captifs. Epvre s’étant réfugié dans la prière, la prison fut miraculeusement ébranlée et les chaînes des prisonniers se brisèrent. Ces derniers sortirent de leur cachot et accoururent vers le saint pour le remercier, entourés par le peuple poussant des cris de joie. La scène fut représentée à de nombreuses reprises, notamment par Claude Bassot sur une toile commandée en 1616 pour l’église de Mattaincourt où deux scènes sont juxtaposées : le saint implorant Adrien et les captifs délivrés.
Durand place la scène en extérieur. Sortant d’une église évoquée par des colonnes où il vient probablement de célébrer une messe et éclairé par un rai de lumière entouré de têtes d’angelots, saint Epvre se tient debout sur le parvis, revêtu d’une chape et portant sa mitre sur la tête. Tenant sa crosse de la main gauche, il bénit les captifs. Selon une tradition qui ne nous semble pas très convaincante, le peintre aurait donné au saint les traits de Claude Drouas de Boussey, évêque de Toul lors de la réalisation de la toile. Peut-être pourrait-il plutôt s’agir du personnage tenant un livre situé à la gauche de l’évêque dont les traits se rapprocheraient plus du portrait de Mgr Drouas conservé au musée de Toul. En revanche, le clerc placé à gauche de la toile et tournant son regard vers l’observateur nous semble sans aucun doute être un portrait. S’agit-il du commanditaire de la toile ? Debout ou à genoux devant le saint, les trois prisonniers lui montrent leurs chaînes brisées et le remercient pour son intercession. On distingue encore parfaitement un repentir du peintre pour la figure du captif debout qui était prévu initialement plus à gauche de la composition. Derrière, quatre personnages représentent la foule se pressant pour célébrer le miracle. Le peintre semble ici placer l’épisode dans une temporalité floue, mêlant des costumes contemporains comme les tenues de clercs et des archaïsmes vestimentaires comme la fraise de l’homme située à l’arrière-plan ou la collerette de la femme portant un enfant. De même, le décor à l’arrière-plan, où on distingue, sur la droite, la prison avec ses barreaux aux fenêtres et, au centre, une église baroque à lanternon, tendrait plutôt à évoquer l’Italie baroque. Les circonstances de la commande de la toile sont inconnues. Selon Grand-Eury et Lallement, elle aurait été longtemps placée au dessus du maître-autel de l’église Saint-Epvre avant d’être installée dans l’arcature voisine de celle contenant la grande peinture murale.
Pierre-Hippolyte Pénet
Historique :
Église Saint Epvre où elle est encore mentionnée en 1855. Transférée dans l’église des Cordeliers, probablement en 1863 lors de la démolition de l’église Saint-Epvre. Mentionnée de 1902 à 1951 au centre de l’abside de l’église des Cordeliers. Déplacée vers 1953 à la cathédrale de Nancy, dans la salle du chapitre transformée ensuite en oratoire. Entrée dans les collections du musée des Beaux-Arts en 1981. Ré-accrochée dans le chœur des Cordeliers en 2001 pour la célébration des noces d’or d’Otto de Habsbourg-Lorraine dans l’église puis déposé par le musée des Beaux-Arts.
Bibliographie :
GRAND-EURY (Prosper) et LALLEMENT (Louis), « L’église Saint-Epvre à Nancy, notice archéologique et historique », Bulletin de la Société d’archéologie lorraine, t. V, 1855, p. 307.
PFISTER (Christian), Histoire de Nancy, Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1902, t. I, p. 359.
Comme on connaît ses saints, on les honore… Images de saints vénérés en Lorraine [cat. exp. Jarville, musée de l’Histoire du Fer, 20 décembre 1993 – 31 mars 1994, Saint-Dié, musée municipal, 6 avril – 12 juin 1994, Verdun, musée de la Princerie, 1er juillet – 31 août 1994, Sarrebourg, musée du Pays de Sarrebourg, 15 septembre – 30 octobre 1994, Nancy, musée historique lorrain, 15 novembre – 15 janvier 1995], Association générale des Conservateurs des Collections publiques de France. Section fédérée de Lorraine, cat. 82, p. 106 (notice de Claire Aptel).
VOREAUX (Gérard), Les Peintres lorrains du dix-huitième siècle, Paris, Éditions Messene, 1998, p. 220.
MARCHAND (Michel), « La représentation des évêques de Toul dans les églises de Nancy entre 1850 et 1930 », Études Touloises, 2018, n°164, p. 5.