Victor Prouvé (1858, Nancy - 1943, Sétif)
1880
Huile sur toile
H. 126 ; l. 107 cm
Inv. 81.3.4
Don Mme Toubin, 1981
Ce portrait est une œuvre de jeunesse de Victor Prouvé, alors étudiant à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris. Il la présente vraisemblablement lors de la 23e exposition de la Société des amis des arts de Nancy. Âgé de 22 ans, celui qui n’est pas encore la figure tutélaire de l’École de Nancy, exécute le portrait du biscuitier Antoine Lefèvre. En 1880, ce dernier se fait représenter assis, dans un confortable fauteuil de velours rouge. Il paraît bien installé, la main puissamment appuyée sur l’accoudoir. Si Victor Prouvé le représente de la sorte, c’est qu’Antoine Lefèvre est devenu, en 1880, un personnage important à Nancy. Son ascension sociale est caractéristique du XIXe siècle.
Né en 1814, Antoine Lefèvre a grandi dans la Meuse, à Varennes en Argonne, dans une famille d’artisans du textile. Les difficultés que connaît cette industrie dans la première moitié du siècle poussent Antoine Lefèvre à quitter Varennes. Entre 1833 et 1840, il est engagé volontaire dans les rangs de l’armée. À son retour en Lorraine, il s’installe à Nancy où il va bientôt fonder une véritable dynastie familiale, un entrepreneuriat basé sur de solides alliances matrimoniales. Il est le premier des frères Lefèvre à s’intéresser à la pâtisserie. Très vite, il est rejoint dans la capitale ducale par son jeune frère Jean-Romain qui prendra quelques années plus tard la direction de Nantes pour fonder, avec son épouse Pauline Utile, la célèbre marque Lefèvre-Utile (LU). Son frère aîné, Louis-Marie Lefèvre, s’installe à Sedan où il fonde la biscuiterie Lefèvre-George. À Nancy, marié à Philogène Denise, Antoine Lefèvre est, quant à lui, à la tête de la biscuiterie-confiserie Lefèvre-Denise encore appelée « Au grand Saint Nicolas ».
L’entreprise familiale est florissante, ce qui vaut à Antoine Lefèvre de rejoindre les cercles de la bourgeoisie nancéienne. Mais son implication dans la vie de la cité n’est pas uniquement économique, elle est aussi politique : il est un fervent partisan des idées républicaines. À la fin de l’année 1880, Antoine Lefèvre trouve la mort quelques mois après avoir posé pour Victor Prouvé. Le Progrès de l’Est écrit alors : « Les Nancéiens se rappellent qu’il a été mêlé à toutes nos luttes politiques depuis quarante ans. […] Le parti républicain perd en lui un de ces défenseurs vaillants. ». Cette œuvre, portrait de famille, peut aussi être lue comme un testament. Elle a été restaurée en 2017 grâce à la générosité de ses descendants, la biscuiterie Lefèvre-Lemoine (Nancy).