Georges de La Tour (1593, Vic-sur-Seille - 1652, Lunéville)
Vers 1632- 1635
Huile sur toile
H. 121, L. 89 cm
Inv. 55.4.3
Achat, 1955
Par son sujet, qui reste encore mystérieux, par la qualité de sa composition, de sa lumière et de ses coloris, par son dépouillement, qui confine à la méditation spirituelle, La Femme à la puce figure au nombre des plus grands chefs d’œuvre de Georges de La Tour.
Son interprétation est malaisée : aucun détail ne renvoie à un épisode précis de la Bible, que le peintre a maintes fois illustrée ; l’œuvre représente-t-elle Marie-Madeleine, la Vierge, une femme du monde surprise dans sa plus stricte intimité ou, au contraire, une servante avilie, usée par le service d’autrui ? Le bracelet de jais qui entoure le poignet gauche du modèle, bijou de pauvre, plaide plutôt pour cette dernière hypothèse. La femme écrase une puce entre ses ongles, geste d’hygiène rudimentaire et signe d’infinie misère. Bien que ce thème ne soit pas rare dans la peinture du XVIIe siècle, on a rapproché l’âpreté de ce sujet des heures sombres que traverse la Lorraine au moment où La Tour peint sa toile, vraisemblablement à la fin des années 1630, en pleine guerre de Trente Ans.
Cette œuvre est d’autant plus fascinante qu’elle allie le réalisme cru du personnage féminin à une modernité plastique saisissante : nudité du fond, unité de la lumière, géométrisation des formes contribuent à une stylisation audacieuse. Dans l’espace dépouillé de la partie gauche de l’œuvre, la chandelle allumée éclaire toute la toile, attire le regard et concentre l’attention. La lumière douce qui en émane confère à l’œuvre une atmosphère de calme, voire de recueillement. Loin de se complaire dans la seule description du visible, Georges de La Tour invite son public à dépasser le sujet de son œuvre en suggérant ce qu’on ne peut pas voir : n’est-ce pas la profondeur de l’âme humaine, dans son éclat et son dénuement, qu’il a voulu représenter ?