Œuvre majeure

Statue équestre de René II

Matthias Schiff (1862, Rettel-lès-Sierck – 1886, Nancy)
1882
Bronze
H. 49 ; l. 35 ; P. 13 cm
Inv. 84.6.6
Don de M. Ferez, 1984

Cette petite statue équestre est une étude pour un monument beaucoup plus imposant, toujours visible à Nancy en plein cœur de la vieille ville, place Saint-Epvre.

Elle est l’œuvre d’un jeune artiste, Matthias Schiff, né en 1862 dans une zone de la Lorraine qui sera annexée à l’Empire allemand après 1871. Au tout début de la décennie 1880, Matthias Schiff répond à une commande : il s’agit, alors que les travaux de la nouvelle basilique Saint-Epvre viennent de s’achever, d’orner la place d’une nouvelle statue. De dimension plus importante que l’œuvre précédemment exposée à cet endroit, le thème doit toutefois rester le même : il s’agit de figurer René II, duc de Lorraine.

Le sujet est en fait bien plus d’actualité qu’il n’y paraît. René II, s’il a régné à la toute fin du XVe siècle, est devenu un personnage intemporel et emblématique de la Lorraine. Victorieux de Charles le Téméraire lors de la bataille de Nancy en 1477, il devient le symbole d’une Lorraine indépendante et souveraine. Cet épisode a un écho tout particulier en 1882, alors que la Moselle est annexée par l’Empire allemand. Cette portée symbolique et politique est d’ailleurs clairement affichée par le maire de Nancy, qui dans une lettre à l’artiste écrit : « […] les revendications des droits finissent par triompher des conquêtes de la Force ». L’esprit lotharingien, apparu dans le premier moitié du XIXe siècle, connaît un deuxième apogée au tournant des XIXe et XXe siècles, alors qu’un patriotisme revanchard se diffuse, tout particulièrement dans l’Est de la France.

Matthias Schiff entreprend des recherches dans les collections du Musée lorrain, de manière à être le plus fidèle possible à la réalité historique. L’œuvre conservée au musée témoigne d’une étape de ce travail préparatoire. C’est une esquisse, quelque peu différente du monument. Ici, le visage du duc est à peine visible, emprisonné dans son heaume ; le cheval porte une couverture d’apparat conformément aux usages du XVe siècle. L’artiste s’affranchira de ces détails réalistes pour l’œuvre définitive, au profit d’une plus grande expressivité. La statue monumentale, inaugurée en décembre 1883 place Saint-Epvre, doit avant tout dégager puissance et énergie, tel un message adressé à l’attention du voisin allemand.