La Vendeuse d’abats

Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue

Manufacture Cyfflé à Lunéville
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle), Jean-Baptiste Grandel (repareur)
1767 - 1779
Biscuit de porcelaine hybride
H. 23 ; L. 20 ; P. 23 cm
Inv. D.T.S.118
Collection Thiéry-Solet, Dépôt de la Ville de Nancy, 1921.
Marque TERRE DE LORRAINE estampée en creux et initiales JG à la pointe

La tripière, ou vendeuse d’abats, est le pendant du Boucher sur le point d’égorger un bélier. Le sol fait de pierres et de végétaux et le socle ovale sont identiques. La jeune femme s’apprête à servir un client. Elle est coiffée d’un bonnet à pans, vêtue d’un fichu sur les épaules, d’une chemise aux manches retroussées, d’un corsage à lacet, d’une jupe et porte des chaussures à boucles. Le tablier relevé, elle tient une tête de veau contre sa poitrine. Penchée en avant, le pied droit avancé, elle attrape de sa main droite une poignée de pieds de porc contenus dans un panier en osier d’où débordent du linge et des abats. Détail humoristique de la scène, un chat, caché entre la hotte et la jupe de la marchande, est sur le point de voler la marchandise. Le mouvement du personnage et les plis des vêtements apportent un grand réalisme à la scène. La marchande affiche un air gracieux qui contraste avec l’expression de force de son homologue masculin.

Décrits dans l’Encyclopédie, les tripiers et tripières achetaient au boucher les abats et issues, extrémités ou viscères, des bœufs et des moutons afin de les nettoyer, de les cuire, de les débiter et de les vendre, en gros ou en détail. Cette statuette fait partie de la série des petits métiers, marchands et marchandes de nourriture, dont l’activité constitue une des branches les plus actives du commerce des villes. Ce type de scènes prises sur le vif, tirées de la vie citadine ou rurale, caractérisent l’œuvre de Cyfflé et se démarquent ainsi des productions de la manufacture de Vincennes-Sèvres qui édite dès 1752 des enfants affairés à des tâches d’adultes, les Enfants Falconet d’après François Boucher. Cyfflé a pu avoir connaissance de la série gravée des Cris de Paris, publiée en 1737 par Gabriel Huquier d’après Boucher, ou de la version gravée par le comte de Caylus d’après Edme Bouchardon, qui font écho aux descriptions de l’écrivain Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris. Néanmoins, la figure de la vendeuse d’abats n’apparaît pas dans ces deux séries gravées. Cyfflé a aussi pu côtoyer des crieurs des rues à Nancy ou à Lunéville. Les autres manufactures lorraines ont créé des modèles différents de Toul-Bellevue : une marchande de pieds de bœuf à Saint-Clément et une marchande de pieds de porc à Niderviller.

Marie Pintre

Bibliographie :

MERCIER (Louis-Sébastien), Tableau de Paris, [s.n.] Amsterdam, 1782, chapitre 330.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 56-58, n°23.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 94, 130-131.

PRÉAUD (Tamara) et SCHERF (Guilhem), sous la dir. de, La Manufacture des Lumières. La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, [cat. exp., Sèvres, Cité de la Céramique, 16 septembre 2015-18 janvier 2016], Dijon, éditions Faton, 2015, pp. 80-117.