Le Boucher sur le point d’égorger un bélier
Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue
Manufacture Cyfflé à Lunéville ou de Toul-Bellevue
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
Dernier tiers du XVIIIe siècle
Biscuit de terre de pipe
H. 24,5 ; L. 16,5 ; P. 13,5 cm
Inv. 44.1.8
Don des héritiers de Pierre-Joseph-Louis Hennequin, 1944
La figure du boucher égorgeant un bélier, dont le modèle est attribué à Paul-Louis Cyfflé (1724-1806), apparaît seulement dans le catalogue de la manufacture de faïence de Toul-Bellevue. Le personnage, un couteau entre les dents, coiffé d’un bonnet, vêtu d’une chemise ample ouverte sur la poitrine, d’une culotte, un jeu de couteaux à la ceinture, et chaussé de sabots remplis de paille, peine à maîtriser l’animal. Les manches retroussées de la chemise laissent apparaître ses muscles tendus. Le visage marqué par l’effort, l’homme est adossé à une colonne dont l’anneau est destiné à attacher les bêtes. Tenu par une corne, l’animal se cabre, la gueule ouverte. Le soin particulier apporté aux détails donne un grand réalisme à la scène.
Le boucher égorgeant un bélier renvoie à l’origine du nom de cette profession, dérivée du mot « bouc ». En ancien français, le bochier est chargé de tuer les animaux destinés à la consommation tandis que le mot boucier désignele marchand de viande. D’après l’article rédigé par Denis Diderot dans l’Encyclopédie, le boucher est celui qui est autorisé à faire tuer de gros bestiaux et à en vendre la chair en détail, la viande de boucherie devenant au XVIIIe siècle, dans les centres urbains, l’alimentation la plus ordinaire après le pain. Cette statuette ainsi que son pendant, la Tripière ou vendeuse d’abats, fait partie de la série des petits métiers, marchands et marchandes de nourriture, dont l’activité constitue une des branches les plus actives du commerce des villes. Cyfflé a représenté de nombreuses scènes, prises sur le vif, tirées de la vie citadine ou rurale. Pour cela, il a pu s’inspirer de la série gravée des Cris de Paris, publiée en 1737 par Gabriel Huquier d’après François Boucher, ou de la version gravée par le comte de Caylus d’après Edme Bouchardon. Néanmoins, la figure du boucher n’apparaît pas dans ces deux séries qui font écho aux descriptions de l’écrivain Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris. Enfin, Cyfflé a pu côtoyer des crieurs de rues à Nancy ou à Lunéville. Son travail se démarque de la manufacture de Vincennes-Sèvres qui produit dès 1752 des enfants exerçant des tâches d’adultes, les Enfants Falconet d’après Boucher.
Marie Pintre
Bibliographie :
MERCIER (Louis-Sébastien), Tableau de Paris, Amsterdam, [s.n.], 1782, chapitre 330.
HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, pp. 52-55, n°21.
CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 94, 130-131.
PRÉAUD (Tamara) et SCHERF (Guilhem), sous la dir. de, La Manufacture des Lumières. La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, [cat. exp., Sèvres, Cité de la Céramique, 16 septembre 2015-18 janvier 2016], Dijon, éditions Faton, 2015, pp. 80-117.