Le Savetier

Manufacture de Niderviller

Manufacture de Niderviller (direction de François-Henri Lanfrey)
Paul-Louis Cyfflé (auteur du modèle)
Fin du XVIIIe – début du XIXe siècle
Biscuit de porcelaine
H. 24 ; L. 12,5 ; P. 14 cm
Inv. 95.863.2
Achat, entre 1884 et 1887
Marque NIDERVILLER estampée en creux

Parmi tous les métiers ayant trait à la fabrication des chaussures sous l’Ancien Régime, le savetier est chargé de réaliser des souliers, bottes et pantoufles mais aussi de les raccommoder. Qu’il travaille dans une échoppe ou bien au coin d’une rue comme le ravaudeur, il ne bénéficie pas du même prestige que le cordonnier au point que son nom puisse encore désigner un artisan travaillant de manière malpropre dans le dictionnaire de Furetière datant de 1702. Au milieu du XVIIe siècle, les graveurs Sébastien de Vouillemont et Pierre Bertrand exécutent chacun une planche représentant un savetier au travail. Dans les deux cas, assis sur un tabouret, l’artisan se tourne vers une cage suspendue abritant une petite linotte avec laquelle il échange des sifflements. Si l’on en croit Furetière, ce sont en effet « les savetiers qui apprennent aux linottes à siffler et à chanter », ainsi que l’illustre une fable de Jacques-François Marin Boisard publiée en 1804. Le savetier devenu « siffleur de linotte » est également connu dans les Flandres grâce à un tableau de David Teniers gravé un siècle plus tard en France par Jacques-Philippe Le Bas.

La création par Paul-Louis Cyfflé du modèle du Savetier, ainsi que celui de La Ravaudeuse qui lui est très souvent adjointe en pendant, remonte aux années 1760-1770. Faisant partie des modèles les plus célèbres du sculpteur, ils sont tous deux reproduits par les manufactures de Lunéville, de Saint-Clément, de Toul-Bellevue et de Niderviller, assemblés sur une même terrasse ou bien séparément. Si la composition de la statuette s’inspire très clairement des modèles gravés préexistants, le traitement du personnage est bien différent. En effet, alors que le savetier était surtout présenté par les graveurs comme un incapable (un « Jean Logne ») ou bien un adepte de la bouteille, Cyfflé choisit de donner à son modèle l’aspect d’un jeune homme avenant, en plein travail, les manches relevées, l’air extrêmement joyeux et épanoui. Il semble ainsi faire écho aux textes de Jean de La Fontaine (Le Savetier et le Financier), Marc-Ferdinand Groubentall de Linière (Irus, ou le savetier du coin) et Sébastien Mercier (Le tableau de Paris) qui célèbrent tour à tour le bonheur simple et modeste du savetier philosophe.


Pierre-Hippolyte Pénet

Bibliographie :

FURETIÈRE (Antoine), Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, & les termes des sciences et des arts, La Haye et Rotterdam, Arnoud et Reinier Leers, 1702, t. II, pp. 141 et 805.

NOËL (Maurice) in BASTIAN (Jacques) (dir.), Notice dans Faïences de Lorraine, 1720-1840, [cat. exp., Nancy, Musée lorrain, 14 mai-29 septembre 1997], Nancy, éditions du Pays Lorrain, 1997, pp. 68-69.

HORIOT (Maïté), Paul-Louis Cyfflé et les terres de Lorraine aux XVIIIe-XIXe siècles dans les collections du Musée Historique Lorrain, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de François PUPIL et Francine ROZE, Université de Nancy 2, 2002-2003, p. 30, n°3.

CALAME (Catherine), Cyfflé, orfèvre de l’argile. Ses statuettes en terre de Lorraine et les reprises par les manufactures régionales [cat. exp., « Cyfflé, orfèvre de l’argile », Saint-Clément, 1er août-17 août 2009], Lunéville, Association des Amis de la Faïence ancienne de Lunéville Saint-Clément, Office de Tourisme et château des Lumières, 2009, pp. 120-121.