Serment de fidélité prêté au roi de France
1634
Manuscrit
H 16 ; l. 20,3 cm
Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, ms Godefroy 338
Après l’occupation militaire des duchés (1633), le roi de France veut obtenir l’allégeance des Lorrains. Il a alors recours à la pratique ancestrale et solennelle du serment qu’il transforme en injonction morale : durant l’automne 1634, les sujets du duc Charles IV de Lorraine sont contraints de lui jurer fidélité et loyauté, deux qualités au cœur de la construction de l’État moderne.
Le jour même où Louis XIII instaure le Conseil souverain (16 septembre 1634), il confie l’organisation du rituel à cette instance, point de départ du processus institutionnel qui doit mener à l’intégration des Lorrains dans la nouvelle communauté. Hommes d’Église, gentilshommes, officiers, bourgeois, genoux à terre, main droite sur les Évangiles, répètent le texte à voix haute avant d’apposer leur signature dans un registre. Après Nancy, les hommes du roi parcourent les duchés jusqu’en 1637 afin d’obtenir la soumission des principaux représentants de la société lorraine.
Cet épisode crucial crée une fracture au sein de la population, et parfois à l’intérieur d’une même famille, entre signataires - les « acceptants » - et ceux qui rejettent le compromis - les « refusants » -, ces derniers préférant l’exil en dépit des menaces de bannissement et de confiscation de leurs possessions. Parmi eux se trouvent de nombreux religieux, dont Pierre Fourier, ainsi que maints serviteurs de Charles IV, parmi lesquels figurent des membres illustres de l’ancienne chevalerie. La réquisition des biens des opposants est à l’origine d’un vaste transfert de propriétés en faveur des alliés de la royauté française.
Retards, dérobades et revirements de la part d’un certain nombre de signataires, séparés de leur maître naturel et menacés par le dispositif coercitif déployé par le roi, évoquent davantage une accommodation de nécessité qu’une réelle soumission. De même, la multiplication des textes répressifs qui s’échelonnent de 1634 à 1637 révèle les difficultés des Français à assujettir les Lorrains, malgré l’usage de la force et le recours à Dieu.
Anne Motta
Sources :
Paris, Bibliothèque nationale de France : ms Lorraine 495
CALMET Augustin (Dom), Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, Nancy, J.-B. Cusson, 1728, 3 vols.
Bibliographie :
HAUSSONVILLE Jean (comte d’), Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, Paris, M. Lévy Frères, 1860, vol. 1.
PFISTER Christian, Histoire de Nancy, Nancy, Berger-Levrault, 1902-1909, t. 3.
GAIN André, Histoire du Conseil Souverain de Lorraine (1634-1637), extrait de l’Annuaire de la Société d’Archéologie Lorraine, Metz, imprimerie Even, 1937.
CABOURDIN Guy, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Les temps modernes, tome 2 : De la paix de Westphalie à la fin de l’Ancien Régime, Metz/Nancy, éditions Serpenoise/PUN, 1991.
PRODI Paolo, « II Sacramento del potere. Il giuramento politico nella storia constituzionale dell’Occidente», Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1995, vol. 50, n°3, p. 599-602.
MARTIN Philippe, Une Guerre de Trente Ans en Lorraine : 1631-1661, Metz, éditions Serpenoise, 2002.
MOTTA Anne, « Les Lorrains s’inclinent devant la France : le serment de 1634 », Annales de l’Est, 2012, p. 181-200.