Le départ de la duchesse Élisabeth-Charlotte du château de Lunéville le 6 mars 1737
Salomon Kleiner d’après Jean Girardet
Salomon Kleiner (1703, Augsbourg – 1761, Vienne),
d’après Jean Girardet (1709, Lunéville – 1778, Nancy)
Vers 1750
Gravure à l’eau-forte et au burin
H. 15,6 ; l. 18 cm (avec le cadre)
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. 2007.0.3764
Fonds d’arts graphiques
Cette vignette appartient à une série de neuf estampes commandées par Valentin Jamerey-Duval (1695-1775), d’après des esquisses du peintre Jean Girardet, pour illustrer l’histoire de sa vie. Très jeune, Jamerey-Duval a fui la misère familiale en partant sur les routes.
Il apprend à lire au fil de ses pérégrinations et se passionne pour l’astronomie ou la géographie. En 1717, alors qu’il garde le troupeau des ermites de Sainte-Anne à Lunéville, il est remarqué par le précepteur des fils de Léopold, Karl Pfütschner. Invité par le duc à la cour, il fréquente quelque temps l’université de Pont-à-Mousson puis est nommé bibliothécaire à son retour à Lunéville. Sa fidélité à la maison de Lorraine le conduit à suivre le destin de François III, en s’installant en 1737 à Florence avant de terminer sa vie à Vienne, comme directeur du cabinet des monnaies de l’empereur.
Jamerey-Duval fait représenter ici un événement politique majeur pour la Lorraine. En ce 6 mars 1737, le carrosse de la duchesse Élisabeth-Charlotte et de ses deux filles quitte la cour d’un palais qu’elles ne reverront plus, car il est promis au nouveau maître des duchés, Stanislas Leszczynski. La veille, le mariage par procuration de la princesse aînée, Élisabeth-Thérèse, avec le roi Charles Emmanuel III de Sardaigne a vu se déployer les derniers fastes dynastiques.
Au premier plan, la population en larmes tente de retenir le cortège, qui devait terminer son périple à Commercy. C’est là que l’ancienne régente trouve une principauté symbolique, qui lui assurera le maintien de son statut de souveraine jusqu’à sa mort en 1744. Si la relation du départ de la duchesse laissée par Jamerey-Duval est bien connue, celle écrite le 9 mars 1736 par Urbain-François de Molitoris, secrétaire de François III, l’est moins ; elle confirme le sentiment unanime de désolation :
« On n’a jamais vu un spectacle aussi triste et aussi touchant que ce départ, les pleurs et les gémissements de la Cour étoient affreux et les cris et les hurlements du peuple passent l’imagination, tous les étrangers qui se trouvoient ici en grand nombre en ont été pénétrés de douleur, et chacun étoit fâché d’être témoin d’une scène aussi lugubre et d’une catastrophe aussi funeste ; le cœur m’en saigne et j’ai l’âme d’une tristesse mortelle en voyant la dissolution de cette Cour, et quelque attendu que soit ce triste événement je ne saurai m’y faire. » (Vienne, Archives nationales d’Autriche, Archives de la Maison de Lorraine, K. 189).
Thierry Franz
Historique :
Série de neuf estampes commandées au graveur viennois Salomon Kleiner d’après des dessins de Jean Girardet à la demande de Valentin Jamerey-Duval ; l’estampe montrant Le Départ de la duchesse Élisabeth-Charlotte du château de Lunéville le 6 mars 1737 a été reproduite par le graveur Emile Thiéry en 1860. Le mode d’acquisition inconnu par le musée est inconnu.
Bibliographie :
LALLEMENT Louis, Le départ de la famille ducale de Lorraine (6 mars 1737), Nancy, Wiener, 1860.
ROZE Francine, « Élisabeth-Charlotte d’Orléans, dernière duchesse de Lorraine », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 2004-2005, p. 323-344.
COURBET André, « Les Illustrations des Mémoires de Valentin-Jameray-Duval, bibliothécaire des ducs de Lorraine et son ex-libris », dans CHARLES-GAFFIOT Jacques (sous la dir. de), La Cour de Lorraine en ses meubles 1698-1766. Découvertes inédites, Montereau, 2008, p. 190-209.
COURBET André, Correspondance de Valentin Jameray-Duval, bibliothécaire des ducs de Lorraine, 4 novembre 1722 – 21 décembre 1745, Paris, Honoré Champion éditeur, t. I, 2011