Vue de l’Arc de triomphe dit arc Héré

Anonyme
Entre 1753 et 1756
Gouache sur parchemin avec cadre en bois doré
H. 44, 5 ; l. 61,5 cm (avec le cadre)
Nancy, Palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain,
inv. D. 95.644
Dépôt du musée des Beaux-Arts de Nancy

Placé au centre du dessin dont il occupe un tiers de la surface, l’arc triomphal dévoile ici son rôle dans la scénographie urbaine voulue par Emmanuel Héré. Il en marque l’axe tout en encadrant, dans une perspective fort significative, l’élévation de l’hôtel de l’Intendance, siège du pouvoir royal. La composition est d’autant plus habile qu’elle cache la vraie raison du goulot d’étranglement que constitue l’arc : construit sur la fortification, à l’emplacement de l’ancienne porte royale, il devait, à la demande de l’armée, permettre de clore le passage et donc de protéger la vieille ville. Au promeneur venu de la place Royale, l’arc offre son décor le plus raffiné, largement inspiré de la mythologie antique. Il est l’œuvre des sculpteurs Barthélémy Guibal (1699-1757) et Jean-Baptiste Walneffer (1724-1777) et est tout entier dédié à la gloire de Louis XV. Située au plus haut, la statue de la Renommée en proclame les louanges en vers latins : « HOSTIUM TERROR / FŒDERUM CULTOR / GENTISQUE DECUS ET AMOR » (Terreur des ennemis, artisan des traités, gloire et amour de son peuple).

Les militaires imposèrent aussi de réduire à un simple rez-de-chaussée les immeubles qui venaient en retour d’équerre depuis la place Royale. Percées d’arcades en bossage, ces basses-faces cachent les fossés des remparts et dessinent une continuité volontariste entre la place Royale et la Carrière, faisant croire à un unique programme architectural alors que deux siècles séparent les deux espaces. L’élévation s’achève par un garde-corps à balustres, dessiné avec précision par la gouache pour montrer l’alternance de pots à feu et des groupes d’enfants. Il dissimule une toiture à longs pans brisés laissant croire à une terrasse peu comptable avec le climat lorrain mais évocatrice de lointains modèles italiens.

Mireille-Bénédicte Bouvet

Sources :

Compte général de la dépense des édifices et bâtimens que le roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar a fait connaître pour l’embellissement de la ville de Nancy, depuis 1751 jusqu’en 1759, Lunéville, Impr. Claude François Messut, 1761.

Bibliographie :

MAROT Pierre, « Emmanuel Héré », Annales de l'Est, 1954, n°1, p. 3-44.

PFISTER Christian,  Histoire de Nancy,  réed., Nancy, 1974, t. II, p. 227-228.

PUPIL François.  Recherches sur les architectes de Nancy de la mort de Héré à la Révolution, thèse de doctorat, Université de Nancy, soutenue en 1968, p.26.

SIMONIN Pierre, CLEMENT Roland. Ensemble architectural de Stanislas. Nancy : Vent d'Est, 1985. - 47 p. : ill. ; 21 cm. p. 31.

COLLIN Jean-Marie, « Le palais du Gouvernement et l’hémicycle de la Carrière », dans Nancy avant la Révolution, Nancy, J.-M. Collin, 2002, p. 278-282.

BOUVET Mireille-Bénédicte « Les places de Nancy au XVIIIe siècle », dans GADY Alexandre de PÉROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie (sous la dir. de), De l’Esprit des villes, Nancy et l’Europe urbaine au siècle des Lumières, 1720-1770, Versailles, Editions Artlys, 2005, p.71-81