Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudoche
Ligier Richier
Cat. 21
Ligier Richier (Saint-Mihiel, vers 1500 – Genève, 1567)
Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudoche
Vers 1549
Calcaire d’Euville
H. 43 ; L. 206 ; Pr. 53 cm (René de Beauvau)
H. 40 ; L. 206 ; Pr. 58 cm (Claude Baudoche)
Inv. 95. 117
Achat auprès de la commune de Noviant-aux-Près, 1867
Issue d’une famille angevine, Jean IV de Beauvau (v.1421-v.1503) fut sénéchal du roi René Ier d’Anjou. Lorsque ce dernier devint duc de Lorraine par son mariage avec Isabelle de Lorraine, il l’accompagna dans son nouveau duché et y fonda la branche de Beauvau-Craon en épousant Jeanne de Manonville. Son fils Pierre II (†1521), sénéchal de Lorraine, eut deux fils avec son épouse, Marguerite de Montberon, à deux fils : Alophe et René II. Tous deux participèrent auprès du duc Antoine de Lorraine à la bataille d’Agnadel, en 1509, où le cadet fut armé chevalier par le roi Louis XII. Proche du duc Antoine, il remplit les charges prestigieuses de maître d’hôtel ordinaire, capitaine de la ville de Darney, chambellan du duc, sénéchal du Barrois et bailli de Saint-Mihiel, fonction lui permettant de présider le tribunal des Assises. Il épousa en 1518 Claude de Baudoche, dame de Pange, dont la famille appartenait au patriciat messin, avec laquelle il eut onze enfants.
Les deux frères moururent à un an d’intervalle. Alophe, décédé en 1547, fut enterré auprès de son père dans l’église Saint-Laurent de Manonville (Meurthe-et-Moselle) où se trouve toujours aujourd’hui son gisant. René II, disparu l’année suivante, fut inhumé dans la chapelle seigneuriale de Noviant-aux-Près (Meurthe-et-Moselle) avec son épouse, trépassée en 1541. Ils bénéficièrent d’un monument funéraire dont ne subsistent aujourd’hui que les gisants, achetés par le musée en 1867. Les époux sont représentés de manière traditionnelle, les mains jointes et les yeux clos, la tête allongée sur un coussin. Leurs pieds reposent sur deux animaux en plâtre refaits au XIXe siècle par le sculpteur Giorné Viard qui restaura également les mains et le bas de la robe de Claude de Baudoche ainsi que les pieds et les doigts de René II. Le lion porte les armes de René II : « écartelé aux 1 et 4 de Beauvau (d’argent à quatre lions de gueules), et aux 2 et 3 de Craon (losangé d’or et de gueules) ». Ces armes se retrouvent sur la cotte d’armes recouvrant le harnois du défunt qui porte une épée contre son flanc gauche. La levrette porte quant à elle les armes de Claude de Baudoche : « chevronné de huit pièces d’argent et de gueules, au chef d’azur chargé de deux tours d’or ». Celle-ci est vêtue d’un costume assez austère composé d’une tunique aux manches en dentelle recouverte d’une longue robe à haut col et aux manches amples. Coiffé d’un chaperon, elle porte un chapelet attaché à la ceinture.
Dès le XIXe siècle, les deux gisants furent attribués à Ligier Richier que René II de Beauvau put probablement rencontrer, de par ses fonctions, à Nancy, Bar-le-Duc ou Saint-Mihiel. Le traitement des visages est en effet caractéristique du style du sculpteur. Les traits de Claude de Baudoche méritent d’être rapprochés de ceux du gisant contemporain de Philippe de Gueldre (cat. 20) car tous deux offrent une réinterprétation du même visage à des âges légèrement différents. On remarque les mêmes rides reliant le nez aux commissures des lèvres et un pli identique entre l’orbite oculaire et l’arcade sourcilière en accolade, celle-ci étant particulièrement saillante comme dans la plupart des œuvres de l’artiste. La comparaison entre le visage du Christ de la Mise au Tombeau de Saint-Mihiel et celui de René II de Beauvau offre également des similitudes précieuses, en particulier le même traitement des yeux clos. L’ensemble de ces œuvres donne une clé de compréhension du travail de Ligier Richier qui, loin d’exécuter des visages parfaitement réalistes, propose diverses interprétations de modèles éprouvés.
Pierre-Hippolyte Pénet
Historique :
Chapelle Saint-Jean-Baptiste du château de Noviant-aux-Près (Meurthe-et-Moselle) devenue église paroissiale. Achetés par le musée en 1867 lors de la reconstruction de l’église. Placés dans la salle des Tombeaux du palais ducal à la fin du XIXe siècle puis dans l’église des Cordeliers vers 1936.
Bibliographie :
BENOIT (Louis), « Tombeau de René de Beauvau et de Claude de Baudoche au Musée lorrain », Journal de la Société d’archéologie lorraine et du Musée historique lorrain, Nancy, Lepage, mars 1867, p. 39-47.
Collectif, Ligier Richier et la sculpture en Lorraine au XVIe siècle [cat. exp. Bar-le-Duc, musée barrois, 11 octobre – 31 décembre 1985], Bar-le-Duc, Éditions du musée de Bar-le-Duc, 1985, cat. 62, p. 70 (notice de Louis-Michel Gohel).
BEAULIEU (Michèle), « Ligier Richier (vers 1500-1567). Chronologie et attributions », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, année 1986, Paris, 1988, p. 19.
CAZIN (Noëlle) et SONRIER (Marie-Agnès) (dir.), Ligier Richier : un sculpteur lorrain de la Renaissance, Nancy, Éditions Nancy Place Stanislas, 2008, p. 121-122 (notice de Michel Lefftz).
MOINET (Éric), « Les gisants de René II de Beauvau et de Claude de Baudoche. Une œuvre de Ligier Richier et de son atelier ? », dans CAZIN (Noëlle) et SONRIER (Marie-Agnès) (dir.), Ligier Richier : un sculpteur lorrain de la Renaissance, Nancy, Éditions Nancy Place Stanislas, 2008, p. 133-135.
BLANCHARD (Jean-Christophe), D’Alérions en alérions. Dix siècles d’images héraldiques lorraines, Haroué, Gérard Louis, 2012, p. 111.
BRESC-BAUTIER (Geneviève) et PÉNET (Pierre-Hippolyte), « Le gisant de Philippe de Gueldre par Ligier Richier : une sculpture pour l’éternité », Le Pays lorrain, 2018, vol. 99, p. 264-265.