Le Christ défaillant

Maître du Christ défaillant

Cat. 23
Maître du Christ défaillant
Le Christ défaillant
2e moitié du XVIe siècle
Calcaire polychrome
H. 173 ; L. 67 ; Pr. 54 (saint Jacques)
H. 166,7 ; L. 67 ; Pr. 50 (saint Pierre)
H. 166 ; L. 56 ; Pr. 40 (Christ)
H. 164 ; L. 63,5 ; Pr. 42 (saint Jean)
Inv. D.III.579
Dépôt de l’État, 1915

Lors du Jeudi Saint, à l’issue du dernier repas pris avec ses disciples, Jésus se rendit avec trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean au domaine de Gethsémani, appelé également jardin des Oliviers. Selon les textes, il s’adressa à eux en ces termes avant de se retirer à l’écart pour prier : « Mon âme est triste jusqu’à la mort, attendez-moi ici et veillez avec moi ». Après que les disciples se furent endormis, le Christ fut saisi d’une douloureuse angoisse à l’approche de sa mort : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. » (Matthieu, 26, 38 -39). Si l’épisode de cette angoisse du Christ est fréquemment représenté par les artistes, ce groupe en propose une interprétation libre : Jésus est représenté affaibli, soutenu par Pierre, à sa droite, et Jean, à sa gauche, qui communient à sa souffrance. Jacques, un peu à l’écart, avec les mains levées, semble désemparé. Cette défaillance physique se veut le symbole du combat de l’âme, aussi appelé « Agonie », vécue par Jésus avant son arrestation. On ne connaît à ce jour qu’une seule autre représentation similaire, peinte sur les murs l’église Saint-Martin de Sillegny (Moselle), en 1540, où le Christ, supporté par Pierre et Jean, est surmonté d’un cartouche indiquant « Tristis est anima mea usque ad mortem ; sustinete hic », version latine de la phrase adressée aux apôtres. Comme le suggère Germain de Maidy, cette iconographie est peut-être inspirée d’un Mystère théâtral qui aurait interprété la scène pour la rendre plus dramatique aux yeux des spectateurs.

Sculpté dans quatre blocs de calcaire polychromes, ces quatre sculptures ont été rapprochées par Pierre Simonin du Christ au roseau (cat. 22) et du Christ portant sa croix de l’église Saint-Laurent de Pont-à-Mousson. Ces trois œuvres ont très probablement été réalisées par un même sculpteur lorrain contemporain de Ligier Richier avec le style duquel il est souvent comparé. Nous proposons par conséquent de désigner cet artiste encore anonyme sous le nom de « Maître du Christ défaillant ». Probablement saisi à la Révolution, le groupe fut installé en 1807 dans le jardin du Grand Séminaire de Nancy, dans l’ancien hôtel des Missions royales construit par le roi Stanislas. Il fut placé dans un oratoire de style classique surmonté d’une balustrade. Derrière le Christ, Pierre et Jean, une grande peinture représentant le jardin des Oliviers fut exécutée par le peintre Mauveille, tel un décor de théâtre. L’apôtre Jacques, seul bloc séparé du groupe central, était relégué dans un coin de l’édifice. La construction d’une nouvelle maternité entraîna la destruction de l’oratoire et le dépôt des sculptures au Musée lorrain en 1915. Depuis 2018, elles sont installées dans l’église des Cordeliers, dans la chapelle dite du Sépulcre. Elles permettent ainsi d’évoquer la présence à cet emplacement, avant la Révolution, d’un groupe représentant une mise au tombeau que rappelle encore l’arc surbaissé qui l’abritait. Placé face au gisant de la duchesse Philippe de Gueldre, il rappelle que celle-ci avait fait installer dans le jardin du couvent des clarisses de Pont-à-Mousson deux chapelles servant de calvaires, témoignant ainsi de sa dévotion particulière envers les souffrances du Christ.

Pierre-Hippolyte Pénet

 

Historique :

Installé dans le jardin du Grand Séminaire de Nancy en 1807. Dépôt au Musée lorrain en 1915. Présenté au rez-de-chaussé du palais ducal dans la salle de la sculpture lorraine à partir de 1936 puis déplacé en 2018 aux Cordeliers dans la chapelle du Sépulcre.

Bibliographie :

SOUHAUT (Charles), Les Richier et leurs œuvres, Bar-le-Duc, Contant-Laguerre, 1883, p. 113-114.

AUGUIN (Edgard), « La Meurthe », La Lorraine, Paris, Berger-Levrault, 1886, p. 526-530.

Nancy illustré, 1ère année, n°3, mars 1913, p. 69.

GERMAIN DE MAIDY (Léon), « Une scène dramatique ajoutée à la Passion, la "défaillance du Christ" au Jardin des Oliviers », Les Cahiers lorrains, janvier 1927, p. 10-13.

MAROT (Pierre), Musée historique lorrain. La sculpture du XIIe au XVIIIe siècle, Nancy, Éditions du Pays lorrain, 1938, p. 9-12.

SIMONIN (Pierre), « Un imagier lorrain contemporain de Ligier Richier », Le Pays lorrain, 1971, n°4, p. 157-159.

CHONÉ (Paulette), « La sculpture de Ligier Richier aux Adam », dans COLLIN (Hubert) (dir.), Encyclopédie illustrée de la Lorraine. La vie artistique, Nancy, Presses universitaires, 1987, p. 178-179.

MATHIAS (Francine), ROZE (Francine), DECHEZLEPRÊTRE (Thierry), Musée lorrain 55 œuvres, guide rapide du visiteur, Nancy, Musée lorrain, 1998, cat. 12, p. 17.

CHRISTIN (Olivier) (dir.), Un nouveau monde, Naissance de la Lorraine moderne [cat. exp. Nancy, Musée lorrain, 4 mai – 4 août 2013], Paris, Somogy, 2013, cat. 143, p. 303 (notice d’Olivier Christin).