Gisants d’Henri III de Vaudémont et d’Isabelle de Lorraine

Lorraine

Cat. 3 
Lorraine
Gisants d’Henri III de Vaudémont et d’Isabelle de Lorraine
Milieu du XIVe siècle
Calcaire, restes de polychromie
H. 40 ; L. 52 ; Pr. 186 cm (Henri III)
H. 33 ; L. 53 ; Pr. 192 cm (Isabelle de Lorraine)
Inv. D.2006.0.1078
Classé Monument Historique en 1846
Dépôt de l’État, 1819

Né à la fin du XIIIe siècle, Henri III de Vaudémont (v.1286-1347) était encore mineur lorsque son père Henri II (v.1255-1299) mourut au large de la Sicile. Jusqu’en 1301, le gouvernement du comté de Vaudémont fut exercé par sa mère Hélissende de Vergy et son deuxième époux Gaucher de Châtillon. En 1304, le jeune comte épousa Isabelle de Lorraine (1272-1335), sœur du duc Thiébaut II de Lorraine, qui lui apporta une dot de 10 000 livres tournois. Après le décès de la comtesse, le 11 mai 1335, la fin du règne d’Henri III fut endeuillée par la mort de son fils unique Henri, tué lors de la sanglante bataille de Crécy, le 26 août 1346, tout comme son petit cousin, le duc Raoul de Lorraine. Un an plus tard, Henri III s’éteignit à son tour en transmettant le comté à son petit fils Henry, sire de Joinville. Sa dépouille rejoignit alors celle de son épouse au sein de la collégiale de Vaudémont fondée par le couple en 1326 sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste et terminée en 1352.

Leur monument funéraire se trouvait initialement dans la chapelle située au plus près de l’autel, dans le collatéral gauche, entre la sacristie et la chambre du Chapitre. Il était surmonté d’un vitrail aux armes de Lorraine, et probablement de Vaudémont, accompagné de l’inscription « Comte de Vau[dé]m[on]t et Isabeau sa fem[m]e se[ig]n[e]urs de céans ». Sur une table sont couchés les deux gisants en calcaire polychromé représentant les défunts dont les pieds reposaient sur un lion et un petit chien. La comtesse est vêtue d’une robe, d’un surcot, d’un manteau et d’une guimpe, tandis que son époux porte un gambison recouvert d’un haubert et d’une cotte d’armes. Celle-ci est traversée par deux chaînes maintenant une dague et la sangle d’un écu aux armes de Vaudémont : « burelé d’argent et de sable ». Sous le vitrail, une épitaphe mesurant environ 2 pieds de large sur 1 pied de haut indiquait :

« En ce lieu gist une Comtesse de Vaudémont Dame et princesse
Dame Isabelle l’appeloit on pleine de grande dévotion
Fille fut du duc de Loheregne homme bien famé par tout règne
Epouse au vaillant Comte Henri, bon chevalier preux et hardi
Elle premièrement fonda cette Eglise et edifia
Puis a Dieu son ame rendit au mois de tous le plus joly
De fête St-Gengoult le jour, l’an de grâce notre Seignour
Mil trois cens avec trente cinq ; si prince Jesu le begnin
Qu’il veuille garandonner et tous ses méfaits pardonner. »

En 1760, la collégiale se trouvant dans un très mauvais état de conservation, le roi Stanislas Leszczynski, dernier duc de Lorraine, décida de supprimer le chapitre de Vaudémont et de le réunir à l’abbaye de Bouxières-aux-Dames. Les dépouilles des comtes furent transférées à l’église des Cordeliers de Nancy le 21 avril 1762 mais leurs monuments funéraires furent d’abord envoyés à l’ancien prieuré de Belval, première nécropole de la famille comtale, à laquelle la collégiale de Vaudémont avait succédé. Sous la Restauration, dans le contexte de réunion des sépultures de la Maison ducale à Nancy, le maire de Portieux, propriétaire du site de l’ancien prieuré, accepta d’offrir à l’État six statues pour qu’elles soient présentées au sein de l’église des Cordeliers. Outre le Retour du Croisé et le Monument funéraire d’Antoine de Vaudémont et de Marie d’Harcourt (cat. 1 et 4), les gisants d’Henri III et d’Isabelle de Lorraine, séparés de leur monument initial depuis une date inconnue, y furent installés le 6 novembre 1819 puis restaurés à plusieurs reprises.

En 1822, le sculpteur François Labroise refit les mains, retirées au XXe siècle, ainsi qu’une partie des visages et de l’écu, les pieds et les animaux ayant déjà été refaits avant cette date. Il les dota également d’un nouveau cénotaphe, composé de cinq arcades en ogives avec petites colonnes, remplacé à la fin des années 1930 par le soubassement actuel. Précédé d’une grille, le monument fut installé dans la seconde chapelle à droite de la nef, surmonté d’un médaillon au mur portant des inscriptions présentant les défunts. La grille et le médaillon furent retirés vers 1936. Jugés dignes de figurer dans les nouvelles Galeries historiques créées par Louis-Philippe à Versailles, les gisants firent l’objet de moulages exécutés par les ateliers du Louvre en 1845 (aujourd’hui en dépôt au château de Pierrefonds). L’aspect actuel des gisants surprend par la couleur particulièrement claire de la pierre. Celle-ci est due à une forte érosion causée par l’infiltration de sels. La restauration de l’ensemble, menée en 2014-2015, a permis de dessaler les sculptures afin d’interrompre ce processus.

Pierre-Hippolyte Pénet

Historique :

Ancienne collégiale Saint-Jean-Baptiste de Vaudémont (Meurthe-et-Moselle), transférés en 1762 au prieuré de Belval (Vosges). Offerts à l’État en 1819 par François Lamy, maire de Portieux, pour être présentés dans l’église des Cordeliers de Nancy. Installés le 6 novembre dans la troisième chapelle à droite de la nef.

Bibliographie :

GRILLE DE BEUZELIN (Ernest-Louis-Hippolyte-Théodore), Statistique monumentale. Atlas. Arrondissements de Toul et de Nancy dépt de la Meurthe, Paris, Thierry, 1837, fig. 3.

GRILLE DE BEUZELIN (Ernest-Louis-Hippolyte-Théodore), Rapport à M. le Ministre de l’instruction publique sur les monuments historiques des arrondissements de Nancy et de Toul, Paris, Crapelet, 1837, p. 77.

PFISTER (Christian), Histoire de Nancy, Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1902, t. I, p. 631-632.

FRANCOIS (Michel), Histoire des comtes et du comté de Vaudémont, Nancy, Humblot, 1935, p. 349-371.

MAROT (Pierre), « Collections historiques du Musée lorrain. La sculpture (XIIe – XVIIe siècle) », Le Pays lorrain, 1937, p. 322-323.

MAROT (Pierre) et CHOUX (Jacques), Le Vieux Nancy, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, Éditions du Pays lorrain, 1993, p. 86.

SCHMOLL GEN. EISENWERTH (Joseph Adolf), Die Lothringische skulptur des 14. Jahrhunderts. Ihre Voraussetzungen in der Südchampagne und ihre außerlothringischen Beziehungen, Petersberg, 2005, cat. 212, p. 323.

THOUVENOT (Béatrice), « Le tombeau d’Henri III et d’Isabelle de Vaudémont », dans GIULIATO (Gérard) (dir.), Autour des comtes de Vaudémont, Presses universitaires de Nancy, 2011, p. 249-265.

GIULIATO (Gérard), « Le comté de Vaudémont : une principauté en Lorraine médiévale (xe-xves.) Bilan et perspective d’une recherche », Mémoires de l’Académie Nationale de Metz, 2012, en ligne : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/56494/ANM_2012_111.pdf?sequence=1

MARIDET (Juliette), Prier et gésir à Versailles. Les moulages de priants et de gisants dans les Galeries historiques de Louis-Philippe, Mémoire d’étude de 1re année de 2e cycle (M1), sous la direction de Lionel Arsac et Raphaël Masson, École du Louvre, 2018, annexes t. I, p.65-66.