La harangue que fit Monseigneur le Duc de Guise aus soudars de Mez [...]
Pierre de Ronsard
Pierre de Ronsard (1524, Château de la Possonnière – 1585, Prieuré de Saint-Cosme)
La harangue que fit Monseigneur le Duc de Guise aus soudars de Mez, le jour qu’il pensoit avoir l’assaut, traduite en partie de Tyrtée poëte Grec : & dediée à Monseigneur le Reverendissime Cardinal de Lorraine son frere.
1553
Imprimé
H. 16,5 ; l. 17 cm
Dijon, Bibliothèque municipale, 6841
La renommée de François de Guise suite à sa victoire au siège de Metz contre Charles Quint a largement inspiré les poètes, qui ont également contribué à la construire. C’est le cas de ce long poème de Ronsard, dédié au cardinal de Lorraine, frère du duc victorieux, écrit très rapidement après l’événement, puisqu’il date de 1553.
Il ne faut pas chercher dans ce texte une description réaliste de la bataille, mais plutôt une exaltation du rôle personnel qu’a joué le général en chef au service de la France, pour défendre la place occupée depuis quelques mois en 1552. Le duc de Guise est présenté comme le descendant et héritier de princes glorieux et victorieux contre des menaces étrangères, notamment Godefroy de Bouillon et le roi René d’Anjou. Il est aussi et surtout le défenseur d’une identité « gauloise », alors à la mode quand on en évoque les racines troyennes faisant des Français les égaux des Romains. En conservant pour le roi Henri II la possession de cette nouvelle ville frontalière, le duc de Guise marque en quelque sorte la limite entre les Français et des hordes mal définies, mais présentées comme dominées par les Allemands et surtout les Espagnols. L’auteur raille l’empereur « qui se donne en songeant tout l’Empire du monde » et qui est à la tête de « peuples basanés », tandis que les troupes assiégées défendent « les nouveaux murs François d’une foible Cité ».
Avec des effets de style inspirés de l’épopée grecque, notamment l’Iliade et l’Odyssée, mais aussi des paraphrase du poète spartiate Tyrtée, Ronsard rapporte le discours imaginé que le duc de Guise aurait prononcé à ses soldats, pour les exhorter au courage devant la mort. Il est lui-même mis en avant, puisque le poème se termine quand Charles Quint, voyant le duc sur le rempart, « tourna le dos honteus ». Grâce à lui, on a « demarqué les frontieres de la France » : dès 1553, les défenseurs de la monarchie française espèrent bien que l’occupation de Metz sera définitive.
Julien Léonard
Bibliographie :
REYMOND Marcel, L’influence de Ronsard sur la poésie française, Paris, Champion, 1927.
ZELLER Gaston, Le siège de Metz par Charles-Quint, octobre-décembre 1552, Nancy, Société d’impressions typographiques, 1943.
TROTOT Caroline, « La place des images dans la poétique ronsardienne de l’histoire », dans SÉGINGER Gisèle et SNIEDZIEWSKI Piotr (sous la dir. de), Histoire et fiction, Poznań, éditions de la société des amis des sciences et des lettres, 2009, p. 9-24.